Une cinquantaine de personnes ont participé au séminaire organsié le 18 novembre par Espaces-Marx en partenariat avec la fondation Gabriel Péri. Parmi elles, des syndicalistes, des chercheurs ou professionnels du travail, des membres d’Espaces-Marx et des militants/responsables politiques.
Un débat approfondi s’est instauré entre tous les participants sur l’objet même de ce séminaire tel qu’introduit par la problématique objet de l’invitation.
Ce débat a été favorisé par la limitation des interventions à 4 ou 5 minutes, un public restreint mais partageant la même problématique, l’envoi préalable des contributions en provenance des participants et une durée des séances suffisante pour que tous ceux qui le veulent puissent intervenir.
Il a permis de dégager un large consensus sur la place ‘centrale’ occupée par le travail dans la vie de nos concitoyens, ce que l’on entend par ‘crise du travail’(à la fois crise de contenu, de reconnaissance, de finalité, de sens, de qualité du travail), le rôle joué par la financiarisation du capitalisme et sa mondialisation mais aussi les nouvelles méthodes de management, l’individualisation des rapports sociaux. Il a également pointé la primauté donnée à l’emploi (une marchandise objet d’une offre et d’une demande), dans le débat public comme dans l’action revendicative, alors que le travail (à l’origine de la création des richesses, facteur de construction de l’identité de chacun, et rapport social participant à la création/diffusion de valeurs mais aussi à la formation des groupes sociaux) en est quasiment absent. La nécessité de mettre fin au silence assourdissant des partis politiques de gauche sur le travail, silence qui constitue un handicap majeur dans la perspective d’une transformation sociale, a enfin été soulignée par tous.
Les questions qui ont fait l’objet d’un début de débat qu’il faudrait poursuivre en 2012
1 – Pourquoi ce silence (ce déni du travail ?) des partis politiques se réclamant de la gauche ?
La destruction des collectifs de travail, la stratégie de responsabilisation individuelle du salarié menée par le management et la division du salariat alimentée par la précarité, la multiplication des statuts, constituent-elles des obstacles insurmontables
– au passage de la résistance individuelle, invisible, à des stratégies collectives de transformation qui puissent être portées par le politique ?
– à la constitution d’une figure emblématique de la « dignité du travailleur », d’un ‘sujet de l’action politique’ (où est passée la Classe ouvrière ?) ?
Dans le débat, deux exemples (l’attitude des enseignants face à la réforme destructive de la droite, la construction d’une démarche syndicale de la CGT Renault travaillée avec l’apport d’Emergences sur la question du travail) ont montré l’importance de partir du micro, c’est à dire du contenu du travail à l’échelle de l’individu et de son implication dans les collectifs d’activité professionnelle concrète.
La dialectique entre le ‘micro’ et le ‘macro’ a été discutée par plusieurs intervenants. Il a été notamment souligné que cette question a déjà été abordée par certains secteurs du syndicalisme, avec les notions d’activité générale et de démarche syndicale démocratique, construite à partir du vécu des travailleurs. Des syndicalistes présents ont souligné que l’intervention collective se construit par une activité sur le micro, en lui donnant sens dans le macro. Ces réflexions posent les questions du rapport possible entre les résistances locales incluses dans le travail (les enseignants modifient la réforme en l’appliquant), la transformation sociale et le concept de lutte des classes. Plusieurs ont émis des hypothèses pour expliquer pourquoi la gauche de transformation sociale ne perçoit pas la dimension politique du comportement du salariat au travers même de son activité de travail. Est-ce liée à une certaine approche de l’économie politique ? Est-ce liée à la persistance d’un rapport hiérarchisé entre le politique, le syndicat et le salarié ? Est-ce liée aux difficultés de reconstruction d’un « horizon d’attentes » qui fédère des énergies et de la réflexion ?
N’est-il pas possible de s’appuyer sur les attentes fortes par rapport au travail portées par les salariés en France et les valeurs sous-jacentes (de dignité, de respect de la qualité du travail, de reconnaissance de l’humain, de partage, de coopération,..) indissociables des nouvelles formes que prend le travail collectif, au travers de l’intellectualisation des fonctions et de l’incitation des salariés à s’organiser, et qui sont caractéristiques, au même titre que le contrôle et l’individualisation des tâches, des statuts, des responsabilités, de la culture…, des nouvelles méthodes de management ? Ne constituent-elles pas les prémisses, sinon d’une conscience de classe, au moins d’une politisation du monde du travail ? Peut-on parler d’une progression de l’idée qu’il est possible de s’émanciper du travail salarié.
2- Qu’attend-t-on du politique (des partis politiques de gauche) par rapport au travail ?
Qu’il redonne l’espoir de pouvoir reprendre du pouvoir sur sa vie, son travail, son entreprise et que la gauche s’assume sans complexe comme le porte-parole du salariat et de la qualité du travail ? Qu’il combatte les valeurs et l’idéologie portée par les nouvelles méthodes de management et qu’il défende le travail comme processus d’émancipation individuelle et de transformation de la société, comme construction simultanée du ‘je’ et du ‘nous’ ? Qu’il ne considère pas le travail comme le monopole du syndicat mais qu’il considère les rapports sociaux de production, les rapports de domination au sein de l’entreprise comme des facteurs de construction sociale et politique ? Qu’il fasse le lien entre les potentialités d’émancipation des salariés et leur possibilité d’agir individuellement et collectivement non seulement sur le contenu de l’organisation du travail mais aussi sur le sens, la qualité et la finalité du travail (nouveau type de développement) et s’attaque aux questions de la propriété et du pouvoir de décision au sein de l’entreprise ? Que, face à la crise de civilisation dont le travail est partie prenante, il ne se contente pas d’un projet alternatif qui reste sur le terrain du capitalisme, mais s’attaque à la production d’un projet de société reposant sur une nouvelle conception de la civilisation, à partir, notamment, des nouvelles valeurs portées par les travailleurs dans les rapports sociaux de production ?
Doit-il s’attaquer à la construction d’un projet alternatif en précisant les ruptures nécessaires pour s’émanciper et les moyens de conquête de pouvoirs ? Creuser les idéologies produites à l’occasion du processus de travail ? Reconstruire une figure positive du travailleur moderne ? Contribuer à dépasser la division entre travailleurs selon la catégorie socioprofessionnelle, le statut, le secteur d’activité, mais aussi le sexe et l’origine géographique (les migrants)? Se battre concrètement sur le terrain et pas seulement dans les institutions ? Opérer une transformation de la démarche politique, remettant en cause la hiérarchie entre le champ partisan politique et le champ syndical par rapport au travail et permettre aux salariés de découvrir eux-mêmes le terrain privilégié de l’affrontement de valeurs dans le travail, et de conquérir des pouvoirs ? Construire l’offre politique en écoutant la demande populaire et donc imposer des espaces et des temps de débat public sur le travail au sein même de l’entreprise ?
Il est alors proposé de soumettre aux participants, comme à tous ceux qui ont manifesté un intérêt pour la poursuite du travail en commun, dans le compte rendu qui leur sera envoyé, les questions à creuser plus particulièrement au cours de l’année 2012 (tous les amendements proposés seront soumis à tous). Une réunion de tous ceux qui le voudront, décidera, avant les fêtes de fin d’année, du mode de travail en commun et du contenu de la contribution que nous avons décidé de faire parvenir à tous les partis de gauche