Le 6 mai 2012 est marqué par deux résultats électoraux, aux conséquences historiques : avec l’élection du candidat socialiste, François Hollande, devenu le nouveau président de France, élection à laquelle le Front de Gauche a quantitativement et qualitativement contribué, par sa campagne au premier tour de l’élection présidentielle, prend fin en France une période de longues années de pouvoir conservateur. Mais cela ne se réduit pas à cela : pour l’ensemble de l’Europe, l’axe fatidique Merkel-Sarkozy est également devenu de l’histoire ancienne. Si cette évolution touche aussi les politiques européennes, seul l’avenir le dira. C’est particulièrement important pour les questions immédiates de politique européenne à l’égard de la Grèce, ainsi que pour le pacte fiscal dont le but est le contrôle centralisé des budgets nationaux et une mise en œuvre très autoritaire de l’austérité par la Commission européenne ; ces moyens permettront la destruction définitive de l’État-providence, de la législation du travail, des services publics, de la souveraineté parlementaire, ainsi qu’un abaissement spectaculaire du niveau de vie des peuples européens.
Les élections législatives en Grèce sont l’équivalent d’un tremblement de terre dans le paysage politique européen,. Ce séisme a été provoqué par un petit, mais important Etat membre du Sud de l’UE, particulièrement frappé par la brutalité des politiques d’austérité. Les partis jusqu’à présent au pouvoir, comme le parti conservateur Nouvelle Démocratie et le parti social-démocrate, PASOK, qui ont tous deux accepté de devenir les exécutants des banques et des politiques d’économies barbares décidées par l’Union européenne obéissant aux préceptes de Merkel et Sarkozy, ne recueillent qu’un peu plus du tiers des voix. Dans le même temps, avec 17% des suffrages, le Parti de l’alliance de gauche SYRIZA, parti anti-capitaliste et pro-européen, est devenu la deuxième force politique au sein du parlement.
A l’instar du Front de Gauche français, dont le candidat a rassemblé la « gauche de la gauche » et a obtenu11% des suffrages au premier tour des élections présidentielles, SYRIZA est une alliance de diverses forces de gauche. Deux de ses composantes, Synaspismos, la partie la plus importante de l’alliance, et AKOA sont membres du Parti de la Gauche Européenne.
Les stratégies de ces alliances farouchement opposées aux règles du capitalisme de marché financier et au néolibéralisme semblent avoir été approuvées du fait de diverses circonstances lors de ces élections. Les tentatives faites par les médias pour dénoncer SYRIZA et le Front de Gauche comme « extrémistes », « populistes » ou « nationalistes » non seulement se sont révélées fragiles mais elles sont également révélatrices de la dureté à venir des affrontements politiques et idéologiques concernant l’avenir de l’intégration européenne.
Dans ce contexte, il faut accorder une attention particulière à l’augmentation croissante de l’électorat de droite extrême dans toute l’Europe. L’expérience des campagnes électorales grecque et française montre que seule la Gauche s’est ouvertement et clairement opposée à la droite extrême et que la croissance de cette dernière ne peut être enrayée qu’à condition de rendre visible, dans ces confrontations, la nature inhérente au système de la droite.
En France et en Grèce, les succès de la Gauche qui lutte contre la logique dominante du capitalisme de marché financier et du néolibéralisme à l’échelle nationale et européenne paraissent montrer un changement de dynamique politique en Europe déjà évoqué à l’occasion de plusieurs élections tout au long de l’année. L’Europe semble entrer dans une période politique où le renforcement dominant et unilatéral des forces de la droite xénophobe, nationaliste et autoritaire, évident depuis le début de la crise en 2007 et 2008, est remplacé par une nouvelle polarisation Droite / Gauche pour laquelle le renforcement d’une gauche radicale est une condition préalable.
Assurément, les résultats des élections du 6 mai ont fait pencher le rapport de force du côté de la gauche. Mais dans le même temps, la situation est complexe et n’est pas sans dangers. Dans leurs premières réactions, Angela Merkel et les hauts fonctionnaires de la Banque centrale européenne ont signalé sans aucune ambiguïté qu’ils ne se laissent pas impressionner par les défaites électorales des représentants des forces politiques anti-démocratiques et anti-sociales et qu’ils ont l’intention de faire respecter la voie actuelle, en dépit du fait qu’elle risque de détruire l’intégration européenne et la démocratie. Les élites croient qu’elles peuvent intimider le peuple en menaçant d’exclure la Grèce de la zone euro. En revanche, la solidarité de la Gauche Européenne et de toutes les forces qui font le choix de refonder l’Europe, et en particulier leur exigence d’annulation des Memoranda et de l’« accord de prêt » sont une nécessité absolue.
Mais quelque chose d’autre a changé en Europe. Avec une large union et des luttes sociales en Italie, au Portugal, en Espagne, Roumanie, Belgique et Grèce au cours des 12 derniers mois, de nombreux nouveaux militants se sont mobilisés et ont élevé leurs voix. Simultanément, de nouveaux appels d’intellectuels critiques, de représentants des syndicats, des mouvements sociaux et de représentants politiques ont été lancés. Les réponses indispensables de la gauche à la crise existentielle en Europe et à la destruction accélérée du modèle de protection sociale et de démocratie en tant que tels résident dans le renforcement des luttes pour une refondation sociale et démocratique de l’Europe.
Il existe de nouvelles possibilités pour une telle dynamique sociale et politique. Aujourd’hui, nous assistons à de nouveaux débats importants dans toute l’Europe. Dans de nombreux pays européens, les peuples occupent les rues, se mettent en grève et se lancent dans des formes militantes nouvelles et variées afin de défendre leurs droits sociaux et politiques. Face à cette évolution, le besoin de construire une alternative politique, une alliance européenne, ou un mouvement européen est d’une urgente nécessité. Ainsi, les élections du week-end du 6 mai, montrent à la fois la nécessité et la possibilité d’intervenir sur un plan politique.
La Conférence Sociale conjointe et le Sommet alternatif, qui ont eu lieu fin mars 2012, ont montré qu’un grand nombre de forces sont maintenant prêtes à s’ouvrir à un processus jusqu’alors inédit, un processus dans lequel les syndicats, les mouvements sociaux, les intellectuels et les forces politiques peuvent coopérer dans le but explicite de modifier les rapports de force en Europe. Les élections du week-end du 6 mai ont souligné la nécessité et le choix d’un nouvel agenda politique. En opposition avec l’oligarchie régnant sur les différents pays et en Europe, nous sommes face à la question d’un changement radical des structures de pouvoir. Avec elle, se pose le défi de constituer de nouvelles alliances qui permettent aux acteurs sociaux et politiques de se mobiliser pour agir de façon unie et équitable sur les défis immédiats et de travailler sur un pied d’égalité à la cristallisation d’une nouvelle hégémonie en Europe.
C’est dans cette prouesse que résident les défis de ce moment historique.