Plus d’un tiers de l’électorat de l’UE va aller aux urnes, pour des élections normales ou des élections anticipées. Le premier défi est en Grèce, avec une date déjà fixée, le 25 janvier. Au moins 7 autres pays vont suivre, en principe en mars (Estonie), en avril (Finlande), en mai (Royaume-Uni), en septembre (Danemark et Portugal), en octobre (Pologne), en novembre (Espagne). Plus que le simple nombre de citoyens européens appelés aux urnes, ce qui fait cependant de ces élections un test pour cette famille de partis, ce sont leurs implications politiques. Des partis de la gauche radicale sont en tête des sondages dans 2 de ces 8 pays : Syriza en Grèce et Podemos en Espagne, un événement inhabituel dans le paysage des années après 1970, où les forces communistes et de la gauche radicale ont traditionnellement été dépassées par les partis dominants de centre gauche et de centre droit1. Une victoire dans ces deux pays représenterait par conséquent une seconde chance, après l’échec de l’expérience du ministère Christofias à Chypre en 2008-2013, de voir un parti de la gauche radicale européenne sur le point de diriger une coalition gouvernementale alternative, pouvant ainsi tester la validité de son programme socio-économique anti-néolibéral et la perméabilité de l’Union européenne à ses demandes.
Le calendrier électoral
Les données relatives aux 8 élections à venir sont résumée dans le tableau qui suit. Globalement, la gauche radicale semble être en situation de progresser par rapport au pic des élections européennes de 2014 et de doubler ses votes (de 7.13% à 13-15%). Les résultats attendus et les gains espérés sont cependant distribués de façon très inégale. Les indateurs disponibles vont de l’absence de signe de vie (sous 1%) au Royaume-Uni, en Plogne et en Estonie où la gauche radivale est traditionnellement faible, une stabilité globale autour de niveaux moyens au Danemark2, auPortugal et en Finlande et une augmentation spectaculaire en Espagne (plus de 30%) et en Grèce (plus de 40%). L’attention de tous les observateurs va aux élections grecques, une victoire de la geuche radicale pouvant avoir de sérieuses répercussions sur la gouvernance et les polotiques de toute l’Union européenne.
TABLEAU 1. ELECTIONS LEGISLATIVES EN 2015 (PAYS DE L’EU)
|
Dernière élection législative |
2014 Elections européennes |
Derniers sondages * |
Elections législatives à venir en 2015 |
Tendances actuelles par rapport à 2010-2012 |
|
|
Année |
% |
% |
|
|
|
GRECE |
2012 |
31.85% |
33.83% |
~41.2% |
25/01/15 |
augmentation |
ESTONIE |
2011 |
0.00% |
0.07% |
– |
01/03/15 |
Stable |
FINLANDE |
2011 |
8.56% |
9.66% |
~8.8% |
Avril |
Stable/augmentation |
RU |
2010 |
0.82% |
1.26% |
– |
07/05/15 |
Stable |
DANEMARK |
2011 |
16.04% |
18.99% |
~16.8% |
Septembre |
Stable/augmentation |
PORTUGAL |
2011 |
14.88% |
20.96% |
~14.5% |
Sep/Oct |
Stable |
POLOGNE |
2011 |
0.55% |
0.00% |
– |
Oct |
Baisse |
ESPAGNE |
2011 |
9.46% |
20.74% |
~32.3% |
Nov |
Augmentation |
TOTAL |
|
7.13% |
12.61% |
|
|
|
MOYENNE |
|
10.27% |
13.19% |
|
|
|
Notes: * Estimations basées sur les derniers sondages (10.2014-1.2015).
Grèce, le maillon faible du néolibéralisme
En Grèce, le parti radical de gauche SYRIZA3, qui en 2012 est passé de façon soudaine d’une petite coalition de fractions en la principale force d’opposition du pays, chercher à consolider son avance sur la Nouvelle démocratie conservatrice de Samara et de gagner une majotité parlementaire avec son programme de changement anti-néolibéral (voir le tableau 2).
TABLE 2. ELECTIONS GRECQUESELECTIONS
|
2007 |
2009 |
2012 |
2012 |
Européennes 2014 |
Derniers Sondages * |
Votes exprimés |
72.2% |
69.1% |
63.6% |
61.9% |
57.7% |
|
Gauche radicale |
13.9% |
12.8% |
26.9% |
31.9% |
33.8% |
41.2% |
SYRIZA |
5.0% |
4.6% |
16.8% |
26.9% |
26.6% |
35.2% |
KKE |
8.2% |
7.5% |
8.5% |
4.5% |
6.1% |
5.5% |
Autres |
0.7% |
0.7% |
1.6% |
0.5% |
1.2% |
0.5% |
PASOK |
38.1% |
43.9% |
13.2% |
12.3% |
8.0% |
4.9% |
ND |
41.8% |
33.5% |
18.9% |
29.7% |
22.7% |
31.1% |
Aube Dorée |
0.0% |
0.3% |
7.0% |
6.9% |
9.4% |
5.9% |
OTHERS |
6.1% |
9.5% |
34.1% |
19.3% |
26.0% |
16.9% |
TOTAL |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
Notes: * estimations basées sur les derniers sondages (1.2015).
A première vue, les derniers sondages suggèrent une marge stable et relativement claire de 2 à 6%. Le politiste Gerassimos Moschonas observe que l’opinion publique grecque oscille entre des sentiments contradictoires : espoir, colère et peur. Le premier ministre Antonis Samaras actuel, en particulier, espère réussir un retour surprise en capitalisant sur la peur d’un saut dans l’inconnu et de représailles des marchés financiers et des partenaires européens. Par ailleurs, l’avantage non négligeable attribué par la loi électorale (50 sièges sur 300) au parti arrivé en tête, rend possible la formation d’une majorité parlementaire avec seulement 35 à 38% des suffrages exprimés.
Les autres pays
Dans les autres pays, les résultats de la gauche radicale devraient rester stables, avec une exception majeure : l’Espagne. Là, les sondages indiquent une montée nette de la gauche radicale, actuellement et clairement la première famille de partis du pays. Le principal bénéficiaire n’est cependant pas une composante traditionnelle de la gauche espagnole, très fragmentée (les composantes de l’alliance IU, des groupes régionalistes radicaux, de petits groupes d’extrême gauche) mais une organisation totalement nouvelle, PODEMOS. Le parti, créé en janvier 2014 par la fusion d’un groupe d’intellectuels de gauche autour de Pablo Iglesias et de l’organisation d’extrême gauche Izquierda Anticapitalista, a étonné en gagnant 8.2% des voix aux élections européennes de 2014 en mai pour atteindre rapidement 20% des intentions de vote, rivalisant avec le PP pour la première place. Ces événements vont probablement conduire à un blocage du système politique, déjà affaibli par une série de scandales de corruption et la montée de l’indépendantisme catalan (et basque)
TABLE 3. ELECTIONS ESPAGNOLES
|
2008 |
2011 |
Européennes 2014 |
Derniers sondages * |
SUFFRAGES EXPRIMÉS |
72.6% |
67.1% |
42.0% |
|
GAUCHE RADICALE |
4.9% |
9.5% |
20.8% |
32.6% |
IU + alliés |
3.8% |
7.0% |
10.3% |
4.4% |
PODEMOS |
– |
– |
8.2% |
25.8% |
Régionalistes radicaux |
1.0% |
2.2% |
2.1% |
2.2% |
Autres |
0.1% |
0.3% |
0.2% |
0.3% |
PSOE |
44.4% |
29.2% |
23.6% |
20.3% |
PP |
40.4% |
44.7% |
26.7% |
25.6% |
PRINCIPAUX REGIONALISTES |
6.1% |
7.3% |
9.7% |
6.7% |
AUTRES |
4.2% |
9.3% |
19.2% |
14.8% |
TOTAL |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
100.0% |
Notes: * estimates based on the latest opinion polls (12.2014-1.2015).
Conclusion
L’avenir de la gauche radicale en Europe repose maintenant clairement sur la victoire de SYRIZA samedi et sur les résultats concrets de l’expérience gouvernementale qui va poursuivre. Un succès modéré dans la sortie de l’austérité et le retour de la croissance et de l’Etat-providence peuvent encourager la gauche radicale dans toute la périphérie européenne : PODEMOS en Espagne, le Sinn Féin in Irlande, ZD en Slovénie, PCP et BE au Portugal, et même la scène italienne pourtant troublée. Un échec, cependant, pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur la crédibilité d’une alternative au néolibéralisme. Dans les deux cas, la capacité de la gauche radicale dans les pays du cœur du continent (Allemagne, France, Pays-Bas… ) à trouver une voie pour briser le plafond de verre qui la maintient à 13% des suffrages exprimés et à devenir vraiment crédible à la fois contre les partis dominants et une dangereuse extrême droite, sera cruciale.
Notes
1 Avec la seule exception de Chypre, où l’AKEL communiste a tours été le premier ou le deuxième parti du pays (2001-2011). Voir DUNPHY, R. & BALE, T. (2007) “Red flag still flying ? Explaining AKEL – Cyprus’ Communist anomaly”, Party Politics, 13(3): 287-304.
2 Les chiffres incluent la gauche rouge et verte radicale (E) et le parti socialiste du peuple, plus modéré. Certains auteurs considèrent maintenant que ce dernier a quitté la famille de la gauche radicale. Le premier est en train de monter dans les sondages (autour de 9-11%).
3 Voir DINAS, E. & RORI, L. (2013) “The 2012 Greek parliamentary elections: fear and loathing at the polls”, West European Politics, 36(1): 270-281; SPOURDALAKIS, M. (2014) “The miraculous rise of the ‘phenomenon SYRIZA’”, International Critical Thought, 4(3): 354-366; KARITZIS, A. (2014) “What is SYRIZA and what it isn’t?”, http://www.transform-network.net/en/blog/blog-2014/news/detail/Blog/-b60c39c253.html