Le gouvernement de droite récemment élu Nouvelle Démocratie est totalement inféodé à la doctrine du maintien de l’ordre.
Au cours des dernières semaines en Grèce, principalement à Athènes, nous avons été confrontés à une vague de répression policière émaillée de nombreux incidents quotidiens qui révèle les principaux objectifs stratégiques du gouvernement Nouvelle Démocratie, situé à droite : l’autoritarisme, la peur et le musellement de la gauche. On pourrait argumenter que la droite a traditionnellement utilisé la répression policière et étatique pour garder sous contrôle les réactions sociales d’obédience progressiste ou radicale et freiner l’activisme organisé de la gauche politique. Il est vrai que la police en Grèce a toujours été une force recourant à la violence, se montrant profondément antidémocratique et pénétrée par l’idéologie politique la plus conservatrice, nationaliste et d’extrême droite de tout l’État grec moderne. Cependant, il est toujours utile de savoir analyser les changements politiques et idéologiques en évitant les comparaisons historiques faciles et les pronostics superficiels.
En l’espace de trois semaines, le gouvernement nouvellement élu a a résolument lancé une attaque frontale contre le mouvement des étudiants, lesquels sont dans la rue depuis près de deux mois en raison d’une réforme gouvernementale récente qui favorise la privatisation du système d’enseignement supérieur grec. Effrayé par la possible escalade du mouvement à la veille de l’anniversaire du soulèvement de l’université polytechnique nationale d’Athènes, le Conseil académique de l’université des sciences économiques et de gestion d’Athènes (anciennement l’ASOEE) a décidé de fermer le campus quelques jours avant le 17 novembre. Alors que les étudiants ont résisté et tenté de réoccuper l’université, le gouvernement a envoyé une force de police surarmée et agressive : les policiers ont attaqué 200 étudiants, leur balançant des gaz lacrymogènes et les frappant à la tête avec des matraques. Cependant, selon les médias – qui ne sont rien d’autre qu’une machine de propagande de la droite, – ce fut là une décision gouvernementale courageuse destinée à mettre fin à la « délinquance » dans les facultés.
Également, en plein samedi soir ordinaire, des policiers ont envahi une boîte de nuit du centre-ville et forcé 300 jeunes à se mettre à genoux, mains derrière la tête, comme pour une exécution. Cette invasion était officiellement destinée à garantir l’exécution d’une loi contre la drogue, – mais qui peut concevoir que des citoyens soient traités de cette manière alors qu’ils veulent simplement boire un verre et danser en boîte ? Une femme a rapporté que la police l’a forcée à se déshabiller devant la foule et que, parce qu’elle invoquait ses droits démocratiques, un policier lui a rétorqué : « Ici, nous n’avons pas de démocratie, c’est clair ? »
En parallèle de son offensive contre le mouvement des étudiants, le gouvernement s’échine à régler son sort à Exarcheia, le quartier du centre d’Athènes qui a été pendant des décennies un espace de résistance sociale et politique. La police parcourt désormais les rues d’Exarcheia, agressant et arrêtant des passants sans motif ni mandat, principalement des membres d’organisations politiques de gauche ou des organisations anarchistes/autonomes ainsi que des militants étudiants. Les agressions policières atteignent un niveau de réelle torture à l’encontre des citoyens, avec de fausses accusations portées dont le but est de faire apparaître les anarchistes de gauche comme coupables et comme appartenant à des groupes terroristes.
La violence d’État des dernières semaines a culminé dans la nuit du 17 novembre, au soir de l’énorme manifestation populaire célébrant le 46e anniversaire du soulèvement de l’université polytechnique nationale d’Athènes. La manifestation avait été massive (plus de 25 000 personnes), bruyante, mais strictement pacifique, et elle avait compté de nombreux députés de gauche dans ses rangs. Aléxis Tsípras y était également, défilant avec ses camarades de SYRIZA, – le premier ancien Premier ministre dans l’histoire de la démocratie parlementaire grecque à participer à une telle manifestation. Par conséquent, en dépit du climat de peur hideux cultivé par le gouvernement (plus de 5 000 policiers entièrement armés, deux drones, 50 motos de police, etc.), les gens avaient pu demeurer en sécurité bien qu’ayant manifesté contre les stratégies profondément impopulaires et antidémocratiques du gouvernement grec. Dans la foulée de la manifestation, néanmoins, une vaste et terrifiante opération de police s’est déroulée à Exarcheia, forte de dizaines de policiers qui ont attaqué, roué de coups et arrêté de simples passants du quartier sélectionnés au hasard alors qu’ils rentraient chez eux. De nombreuses vidéos enregistrées par des téléphones portables de citoyens révèlent l’ampleur de la brutalité policière de cette nuit-là et ont été partagées par le biais de divers médias, mais principalement sur les réseaux sociaux. C’est le genre de maintien de l’ordre sur lequel aurait pu fantasmer un régime totalitaire des époques passées, – des images incompatibles avec un État occidental démocratique.
Le Premier ministre Mitsotákis avait annoncé « moins d’État » au cours de sa campagne électorale et, par là, il entendait le recrutement de 1 500 policiers et 1 200 gardes-frontières, laissant toutefois les écoles publiques manquer d’enseignants, – en particulier dans les écoles des îles. Ce gouvernement s’appuie sur une force de police féroce. Il a besoin de la peur, de la terreur et du silence. Sa stratégie pour mener une réforme néolibérale intégrale de l’ensemble de la structure étatique, de l’économie, des relations de travail, etc., ne sera pas pacifique. Le gouvernement anticipe la réaction sociale et politique à venir. Il doit donc se préparer en vue de sa propre protection. Cependant, peu importe à quel point il se pense en sécurité : la volonté du peuple, le pouvoir du peuple et le combat de la gauche, comme par le passé, constituent une inconnue.