2018 Evénement de lancement du projet « Transformation Productive »

Le groupe de travail de transform ! europe qui a organisé un atelier pour réfléchir à ses efforts passés et sur l’avenir à donner à cette réflexion dans le futur.

Les membres du groupe de travail sont Roland Kulke (facilitateur du groupe pour transform ! europe depuis avril 2018, basé à Bruxelles), Jean-Claude Simon (expert climatique, basé à Copenhague), Nadia Garbellini et Matteo Gaddi (membres de Punto Rosso, chercheurs en économie, basé.e.s à Milan). 

L’atelier a eu lieu dans les locaux de la CGIL Lombardie à Milan.

Résumé

Introduction (Xabier Benito Ziluaga, MEP, Podemos, GUE/NGL, membre du Commité ITRE )

Il y a une faiblesse stratégique dans les discours de gauche en Europe. La gauche ne discute pas assez des politiques industrielles au niveau européen. Nous avons deux modèles de croissance au niveau européen : un à la française, dans lequel l’Etat joue un rôle important, et un à l’allemande, plus basé sur le marché. Le modèle allemand devient aujourd’hui de plus en plus dominant. Nous pouvons voir le résultat désormais, 10 ans après le début de la crise. L’UE est au milieu d’une reconfiguration réelle de sa base. L’UE d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a une décennie. Dans le passé, les projets comme Airbus avaient prouvé la capacité des Etats membres de coopérer. Airbus n’en est qu’un exemple. Les experts disent aujourd’hui que nous ne pourrions pas réussir de nouveau une telle « success story » (un tel succès), notamment à cause des nouvelles et plus strictes règles antiétatiques et au manque de vision de nos élites. Le plan Juncker, le Fond Global de l’UE et les autres nouvelles institutions pourraient venir avec certains avantages mais sont loin d’être des solutions suffisantes face aux défis qui se posent à nous, au tant sur le plan socio-économique qu’environnemental.

Les chaînes productives européennes et la division du travail subséquente  (Riccardo Bellofiore, Université de Bergame) 

La crise financière globale a amené la crise actuelle de l’UE. Ainsi, le capitalisme financiarisé, le keynésianisme privatisé ou comme l’appelle Professeur Bellofiore « la réelle subsomption du travail à la finance » sont les racines du réel problème économique. Ce modèle est originellement anglo-saxon. Le modèle européen est nouveau et est une généralisation du modèle allemand : un modèle mercantiliste, basé sur l’exportation, protectionniste, et à l’échelle désormais mondiale. Indéniablement, l’introduction de l’euro était une erreur, en sortir serait tout autant une erreur. Ce que nous devons comprendre c’est que la géographie de la finance a changé en Europe depuis les années 1990. Les chaînes de valeur ont suivi l’argent et l’Allemagne a de l’argent. Ainsi la reconstruction de l’économie européenne suit les intérêts du capital allemand. Un nouveau et indépendant centre de l’économie européenne a émergé autour de l’Allemagne, l’Europe centrale et les chaînes de valeur manufacturières de l’Italie du nord. Ce nouveau réseau a largement coupé son lien avec la périphérie sud de l’Europe. A cause du pouvoir du capitalisme financier et du progrès technologique, il n’est pas manufacturier en soi, mais un mixte de chaînes de valeur manufacturières avec de très forts liens  avec la servicification de cette industrie. L’industrie 4.0 amène à une forte personnalisation des biens produits et donc, de plus en plus de profits générés par le secteur de relations clients post-vente. L’importante question pour l’économie avec des chaînes de valeurs globales dominées par le capital financier est donc la suivante : qui finance quoi? 

Technologie et Industrie 4.0, Travail et nouvelles réformes de l’organisation  (Matteo Gaddi, Punto Rosso)

Concernant les modèles de croissance, nous avons essentiellement deux possibilités différentes : être le centre de chaînes de valeur transnationales (comme l’Allemagne, les Pays-Bas,…) ou juste être un espace d’accueil de ses subsidiaires et ses fournisseurs. Le second modèle semble être le seul modèle de croissance disponible, ou plutôt imaginable pour les élites des pays de la CEE. Dans le secteur automobile particulièrement, on observe des réseaux très dispersés au point de vue géographique. L’industrie 4.0 est la dernière transformation du capitalisme dans son ambition de gagner un contrôle total des chaînes de production. L’industrie 4.0 rend très simple de contrôler des petites unités de production dispersées géographiquement. L’intégration horizontale est plus bien facile avec des systèmes informatiques centralisés. Une fois les logiciels installés sur les machines des périphéries, les quartiers généraux peuvent les lancer à distance.  A l’insu des travailleurs en face de la machine, ils changent le processus de travail partout sur le globe. Puisque chaque produit est marqué avec une code barre, chaque item de production peut être surveillé, et donc chaque travailleur et sa productivité. Le système de contrôle prend alors un peu les couleurs de « 1984 » lorsque les entreprises enregistrent de plus en plus de données, gratuitement, durant chaque cycle de production. Il n’y a pas de restrictions juridiques à ce sujet ! Les travailleur/ses ne sont pas conscients des changements de fonctionnement(logiciels) des machines qu’ils utilisent. C’est une source renouvelée d’aliénation que Gaddi/Garbellini appellent « le stress-technologique ». Les syndicats doivent former les représentants de salarié.e.s pour acquérir des compétences logistiques (logiciels, programmes informatiques). Ils doivent  rentrer dans la course technologique pour être capable d’influencer le design de ces nouveaux outils. 

La politique industrielle européen et la propriété publique des moyens de production (Nadia Garbellini, Punto Rosso) 

Le cadre juridique de l’UE en terme de politique économique obstrue la possibilité d’une politique économique saine pour l’UE. Elle doit donc être indéniablement changée. Cependant, à court terme, les forces progressives doivent utiliser les failles juridiques offertes par l’UE. Dans le secteur des « services d’intérêts économiques généraux », l’accès universel au service public est plus important que la compétition. Chaque Etat peut définir en toute autonomie comment organiser ces secteurs, comme la santé, l’énergie et les transports. Les Etats peuvent même aller jusqu’à produire des biens seuls, ce qui ne serait pas un problème, à la condition que ces entreprises soient détenues à 100% par l’Etat, soit par le modèle « maison ». La Cour Européenne de Justice a, à de nombreuses reprises, renforcé les droits des Etats à cet égard. Désormais la question est de déterminer où prendre l’argent. Les règles néolibérales accrues interdisent les politiques fiscales contra-cycliques. Mais une faille juridique existe au sein des banques nationales de développement, comme la KfW en Allemagne ou la Cassa Depositi e Prestiti en Italie. Ces banques ont un grand pouvoir financier puisqu’elles sont soutenues par les Etats mais, elles ne sont pas comptées au sein du budget public. Si le pouvoir politique prévaut à celui de la finance, elles peuvent donc être mises à contribution pour un modèle productif « maison » et aussi pour le soutien général à l’économie. Si le Traité de Lisbonne doit être fondamentalement changé, à court terme il existe des possibilités intéressantes que les forces progressives doivent utiliser dans leur lutte contre le chômage et la désindustrialisation.

Biens Communs (Roberto Morea, transform europe! Groupe de Travail sur les Biens Communs)

Le capitalisme touche à tous les aspects de nos vies et est devenu de ce fait un opposant des droits humains. Les Etats doivent reconnaître leur capacité déclinante à planifier le bien commun de leurs sociétés. Nous vivons dans une modèle de compétition qui domine les relations entre Etats, régions, entreprises et ainsi les peuples et les individus. Le combat pour la survie est si fort, si intriqué à nos vies quotidiennes que ce système doit être décrit dans les termes gramsciens comme ayant conquis « l’hégémonie culturelle » et non pas seulement la dominance technologique.  Tout ce qui nous concerne en tant qu’humains est sous la domination constante du profit : éducation, santé, transports, travail. Le cancer de la pensée du profit a atteint nos systèmes sociopolitiques au point que nous ne vivons plus dans des démocraties mais dans des post-démocraties. La  lutte italienne pour le « droit à l’eau » a été ainsi non seulement concentrée sur l’accès à l’eau mais est allée plus loin, posant la question du modèle de la production et du processus de distribution. Les processus sociaux autour de la question générale de production de l’eau et des moyens de vie doit être démocratisée afin que nous, les peuples puissions discuter de ce que nous voulons produire et comment. Le siècle dernier a été influencé fortement par la lutte du capital/travail, aujourd’hui la lutte est encore plus existentielle car elle s’exprime ainsi : le capital contre le vivant. Dans cette lutte, il ne sera pas suffisant de se battre pour la propriété étatique des secteurs stratégiques de l’économie, notamment puisque les entreprises peuvent aussi impitoyables que les entreprises privées. Nous devons re-publiciser l’économie et la rendre réellement démocratique. Il faut en fin de compte à travers un processus démocratique se demander : que voulons-nos vraiment produire ? Quelles sont nos réels besoins ?  

Le Sud (Roland Kulke, transform! europe, groupe de travail sur la Transformation Productive)

Si nous parlons d’une reconstruction progressive de l’économie européenne réelle, nous devons inclure à priori les pays voisins de L’UE au Sud est de l’Europe et du pourtour méditerranéen. Ces économies sont profondément intégrées aux chaînes de valeur transnationales qui sont contrôlées depuis les factions européennes centrales du capital. Elles sont donc ainsi parties prenantes du modèle économique européen d’exploitation mercantile au sein de l’économie mondiale. Les économies comme celle de la Tunisie ont atteint un stade d’intégration avec les économies des pays de l’UE au point d’en avoir les mêmes responsabilités mais pas les droits. Cette inclusion ressemble essentiellement les relations impérialistes passées. C’est également d’importance quant à notre discussion actuelle sur la migration et les transports aériens. Un autre aspect important pour tous ceux qui se soucient de la reconstruction productive des nos économies est la question des traités de libre-échange comme le TTIP, TiSA, CETA ou celui en discussion en ce moment même sous le titre de « E-commerce » au sein de l’OMC. Nous devons nous entraider et travailler avec des organisations comme S2B pour stopper ces accords car ils imposeraient des reculs massifs et permanents qui porteraient atteinte à la capacité de nos sociétés de mener des politiques et des projets socioéconomiques progressifs.

Energie/Juste Transition (Jean-Claude Simon, Membre de the transform!, groupe de travail sur la Transformation Productive, et Sam Mason, PCS & One Million Climate Jobs Campaign)

Parlons-nous de la transformation productive de nos sociétés ? Premièrement nous devons rendre clair pour tous que le temps nous manque. Aucun projet de transformation qui viserait la croissance n’est possible. Trois des neufs limites de la planète ont été franchies. Nous avons besoin d’une véritable transformation de notre système de production et du métabolisme total de nos sociétés. Nous devons radicalement déglobaliser, reterritorialiser et relocaliser la production. Une agriculture strictement locale et paysanne doit pouvoir être supportée pour réduire les impacts sur la nature. Nous devons investir fortement dans la rénovation de nos bâtiments et arrêter le transport routier. Seule le ferroviaire est viable.  La campagne “one-million-jobs campaign” est une tentative fructueuse d’élever le niveau des consciences pour un changement concret de la structure économique. Les sujets que nous promouvons sont les postes dans le secteur public de l’éducation, la santé, le transport et les énergies renouvelables. Nous avons d’une propriété publique du secteur énergétique.

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