L’Espagne est actuellement dans une situation inhabituelle en raison de la crise aiguë du régime politique qui a gouverné le pays depuis que nous avons retrouvé la démocratie en 1978. La crise économique et la gestion néolibérale sont à l’origine de cette crise politique. Cela a provoqué une énorme vague de manifestations qui ont vu le mouvement des Indignados prendre forme concrète. Ce mouvement a exprimé l’exigence de régénération démocratique et les exigences des secteurs les plus touchés par la crise économique. En réaction au système à deux partis qui avaient gouverné le pays (PSOE, sociaux-démocrates, et PP, conservateurs) le peuple exigeait plus de démocratie. L’ancien système qui a utilisé les mêmes politiques économiques, était en proie à des niveaux insupportables de corruption et a suivi aveuglément toutes les mesures imposées par la Troïka.
Une des conséquences de cette crise du « régime politique de 78 » (nom donné au système de monarchie parlementaire à deux partis et à son architecture politique créée par la Constitution de 1978) est l’apparition de deux nouveaux partis politiques aux caractéristiques différentes : Podemos ( We Can) et Ciudadanos (citoyens) comme représentants de la nouvelle politique contre les vieux partis du régime. Podemos représente une régénération progressiste (même si le parti ne se définit pas comme de « gauche », les gens) et Ciudadanos représente une régénération libérale.
Depuis la création de Podemos, Izquierda Unida (IU – Gauche unie) a essayé de forger un accord avec lui en vue de créer des convergences politiques et sociales pour prendre le pouvoir sur le bloc dominant. Cette approche a été couronnée de succès dans les villes importantes telles que Madrid et Barcelone et les régions comme la Catalogne et la Galice avec des résultats remarquables. Le souhait d’UI était de répéter ces coalitions au niveau national, mais cela n’a pas été possible pour les élections générales du 20 décembre dans lesquelles IU a remporté un nobre très faible de sièges en raison de la loi électorale. Le parti a toutefois atteint une grande approbation sociale, ce qui fait de son leader, Alberto Garzón, l’homme politique le plus apprécié dans le pays.
Les élections du 20 décembre ont provoqué la fin du système à deux partis et cela a provoqué une manifestation physique de la crise politique, qui a rendu la formation d’un gouvernement impossible. Pendant les trois mois de négociations, le PSOE a fait un accord avec Ciudadanos en dépit des tentatives répétées de Podemos et d’IU pour former un gouvernement progressiste avec PSOE. Cette décision du PSOE, qui l’a vu préférer un accord avec les libéraux à un accord avec la gauche, a aggravé son tournant à droite et l’a rendu responsable aux yeux du peuple de l’absence de gouvernement en Espagne.
Le résultat électoral a montré clairement que la loi électorale favorise ceux qui unissent leurs forces. La somme des votes Podemos et UI aux élections du 20 décembre les place comme deuxième force politique la plus puissante. S’ils s’étaient unis, ils auraient eu beaucoup plus de poids pour négocier un gouvernement progressiste. C’est cette approche qui va maintenant être suivie pour les nouvelles élections du 26 juin. Les bases de Podemos et d’IU ont toutes deux souligné l’importance de se rassembler.
L’accord entre Podemos et IU (appelé Unidos Podemos – Ensemble nous pouvons) a plongé la droite et le PSOE dans le chaos car Podemos et IU sont la seule coalition susceptible de renverser la situation créée par l’élection du 20 décembre. Tous les sondages créditent actuellement cette coalition d’environ 24% des votes – beaucoup plus que le PSOE.
Mais même s’il est vrai qu’un gouvernement progressiste est possible, il y a aussi un certain nombre de risques. La première étant que le segment de la classe dirigeante la plus proche de la social-démocratie prenne des mesures pour former une grande coalition (PP-PSOE) pour bloquer un gouvernement de gauche. Voilà pourquoi la coalition Podemos-IU veut gagner les élections, pour conjurer la droite. Pour ce faire, Podemos et IU ont convenu d’un programme minimum de 50 points pour mettre fin à l’austérité et apporter la démocratie au pays. Nous sommes conscients de l’importance de cette coalition pour le reste de la gauche européenne. Nous sommes conscients que l’espoir peut venir du sud et que la prochaine bataille pour mettre fin à l’austérité a lieu en Espagne, le 26 juin.