Alors que les élections se déroulaient le dimanche 24 mai, l’activité du candidat IU pour les élections générales a été non-stop. Il a eu des réunions, des contacts avec la presse et veut « reconstruire » son organisation après le choc du 24 mai : « Nous sommes les patriotes de IU et nous voulons reconstruire l’organisation pour travailler au processus de transformation sociale. »
Les leçons des élections municipales et régionales de dimanche sont évidentes pour Garzón : « Nous devons construire un processus d’unité populaire d’en bas pour les élections générales ». Selon lui, ce projet doit impliquer tous ceux qui veulent transformer la société, ce qui inclut Podemos. Selon Garzon, « ils ont obtenu en moyenne 14% aux élections régionales mais 14% ne transformeront pas la société ».
Les résultats de 24M ont-ils été bon pour IU?
Alberto Garzón : Non. Pour faire de la politique, nous devons être simples et cohérents. Les résultats globaux sont mauvais. Il est vrai que la représentation municipale a augmenté si l’on inclut les endroits où les candidats IU étaient sur les listes de l’unité populaire, mais les résultats des élections régionales nous ont envoyé le message que nous devons reconstruire IU.
Comment reconstruirez-vous ?
La route est claire : unité populaire, non seulement pour IU, mais pour la majorité sociale et pour le peuple, car il a été démontré qu’aucune force ne peut à elle seule transformer ce pays. Mais lorsque les forces populaires de la gauche et les mouvements sociaux ont des listes communes, le public s’y reconnaît.
IU a toujours défendu cette unité populaire et il s’est lui-même défini comme le catalyseur de cette unité.
Avez-vous perdu cette capacité après le 24M ?
Unité populaire est un concept très large qui comprend une composante électorale, tels que les accords pour se présenter aux élections, mais il y a aussi la lutte sociale. Unité populaire est composée des mouvements sociaux de la ‘Mareas’, le mouvement stop aux expulsions HAP, des manifestations et des grèves. C’est une unité populaire car elle est transversale aux organisations politiques. Personne ne demande de cartes d’adhésion pour arrêter une expulsion ou défendre la santé publique. Voilà l’unité populaire.
IU participe à tous ces processus, électoraux et non électoraux. Mais Unité populaire n’a pas un seul catalyseur et ni un seul représentant. Ce serait profondément malhonnête pour quiconque de s’approprier les candidatures d’Unité populaire. Nous avons appris cela de 15M. J’y étais, je défendais ses propositions à la télévision, mais je n’étais pas le porte-parole de 15M.
La partie sociale n’est pas aussi claire, mais la composante électorale est quantifiable et nous pouvons déterminer comment les différents modèles d’unité ont abouti au 24M. Quelles leçons tirez-vous des différents résultats de dimanche ?
Certaines candidatures d’unité se sont pleinement développées et d’autres s non. Les contextes, les circonstances, les croyances et les rythmes ont différé. Et donc aussi les différents résultats. Je ne crois pas que ce pays ait jamais eu des résultats aussi positifs dans de nombreuses grandes villes comme Barcelone, Madrid, Saragosse, Santiago ou La Corogne et il y a eu aussi une série de bons résultats à Salamanque, Palencia et Burgos. Cela n’a pas eu lieu aux élections régionales. Ils ont changé de sujets, mais la carte reste similaire.
Pourquoi cette dichotomie ?
Aux élections locales il y a eu une rupture avec le passé parce qu’il y a eu des candidatures d’unité populaire venues de bas en haut, de manière participative, avec de multiples sujets et même dans certains cas avec l’atout supplémentaire de leaders emblématiques. Toutefois, dans des endroits où les candidats n’étaient pas aussi connus, ils ont obtenu des résultats spectaculaires. Les électeurs ont clairement récompensé l’unité populaire, plus que toutes les autres forces. Le cas de Madrid est emblématique : Ahora Madrid a obtenu 500.000 voix et dans la ville, alors que Podemos a obtenu 280 000 voix.
Et quelle est la conclusion ?
Dans la perspective des élections générales, pour transformer le pays nous devons constrIUre un processus d’unité populaire de bas en haut et de manière participative, tel que nous l’avons vu pour ces élections locales.
Vous avez parlé de Madrid, peut-être l’endroit qui représente le mieux le revers 24M d’IU. Ce même dimanche, la candidate de IUCM, Raquel Lopez, a dit que vous étiez « déplorables ». Comment gérez-vous la situation de IU à Madrid ?
La politique doit être cohérente et honnête et elle doit aussi être élégante. Quand la politique commence à insulter alors ce n’est plus la politique. Je ne vais pas entrer dans les calomnies. Mais la situation de Madrid est grave parce que nous avons une situation complexe dans laquelle nous avions militants sur deux listes pour les élections locales. C’est la raison parce IU n’a pas reconnu la candidature de Raquel. Ils n’ont pas suivi les procédures.
Les gens ont parlé en votant et ont montré que Madrid soutenait très fortement la candidature de l’unité populaire. Je parle de villes comme Getafe, Leganés, Alcorcón, Fuenlabrada, et cetera. Cela signifie que beaucoup de militants ont dû quitter IU à cause des dirigeants d’IUCM à Madrid. Par exemple, Mauricio [Valiente, qui était candidat pour Ahora Madrid] ou Vanessa [Lillo, candidat à Getafe], les vainqueurs des primaires d’IUCM, ont dû quitter IUCM, mais ils n’abandonnent le militantisme, et ont montré que cette ligne politique a eu des résultats extraordinaires, qui peuvent améliorer le processus de construction de l’unité populaire. Tous sont nécessaires au projet d’IU et ce à quoi je fais face maintenant est la reconstruction de la gauche dans tous les domaines afin de servir un projet d’unité populaire.
Cette reconstruction signifie-t-elle de ne pas fédérer IUCM ?
Ce sont des débats collectifs et internes qui n’ont pas encore été abordés et je ne le ferai pas ici personnellement. Ce que nous devons garder à l’esprit est que les générations futures sont en jeu ; ce n’est pas un problème de sièges et de conseillers à conserver, mais il s’agit de prendre part une transformation sociale qui empêche la consolidation du néolibéralisme. Et à Madrid cela implique de récupérer toutes les personnes qui nous ont quittés et d’articuler tous les mécanismes partie prenante du même projet que IU fédéral.
Cayo Lara a explicitement soutenu la candidature de Raquel Lopez, bien que la présidence fédérale n’ait pas soutenu cette candidature. Cette décision personnelle aura-t-elle des conséquences ?
La position de IU fédéral a été très claire. Il y a une résolution disponible pour tous ceux qui le veulent. Cette résolution dit que la candidature n’a pas été reconnue, les dirigeants ont donc eu totalement raison de respecter cette décision. Toutefois, certains dirigeants ont soutenu IUCM et d’autres Ahora Madrid, mais personnellement, pas comme représentant d’IU. Toute autre question appartient à Cayo, pas à moi.
Hier a eu lieu une journée de réflexion sur les résultats ; aujourd’hui est le premier jour pour promouvoir et construire l’unité populaire afin de gagner les élections générales. Et c’est mon rôle, en tant que candidat d’IU aux élections générales. Je ne suis pas candidat simplement pour prêter mon visage afin de gagner des voix, mais pour développer un projet politique et mettre tous les mécanismes en place pour faire avancer les choses. Tout ce qui m’intéresse est de tirer les leçons que les gens nous ont données dimanche afin de lancer un processus généreux et humble de construction participative de bas en haut pour les élections générales.
Quelles sont les caractéristiques de ce processus d’unité populaire ? Quelle est votre proposition ?
Tout processus de convergence passe par un cadre programmatique qui sera débattu collectivement. Nous l’avons vu dans hora Madrid, Barcelona Comú ou Zaragoza en Común. Comme l’a dit Julio Anguita, la politique doit être fondée sur « le programme, le programme, le programme. »
En dehors de cela, ce que nous savons c’est que cela ne peut pas être une rencontre entre dirigeants politiques ayant une représentation parlementaire dans le but de partager l’espace électoral, mais ce doit être plutôt un processus entièrement participatif et démocratique où les gens peuvent décider de tout. Cela va conduire à des primaires et d’autres mécanismes pour la construction de l’unité populaire. Ceci est une idée : nous avons assez de temps pour en discuter.
Ce qui est arrivé en Galice, Barcelone ou Madrid laisse les sigles et les logos des partis un peu de côté. En dehors de votre opinion, que vous avez déjà précisée, IU est-il prêt à renoncer à son sigle pour réaliser l’unité populaire ?
Nous sommes issus de l’une des plus belles et cohérentes traditions politiques, qui est la tradition communiste, socialiste et républicaine. Une tradition qui nous a conduits à Pepe Diaz et au Front populaire. Je suis membre du PCE, qui n’a pas participé aux élections avec son sigle depuis 1986, mais cela fait partie du projet d’IU et de la gauche de ce pays. Cependant, le PCE a sa pleine autonomie et son indépendance.
Ce que Madrid, Barcelone, Santiago ou A Coruña ont prouvé est que les militants de IU font partie du processus d’unité populaire dans les candidatures ; IU ne disparaît pas, il apporte sa contribution. Tel est le sentiment de la majorité, pas un sentiment généralisé. Il est cohérent avec les documents approuvés au cours des 9e et 10e assemblées d’IU, mais aussi dans la première assemblée. La graine d’IU est de donner priorité aux besoins de transformation sociale et de mettre les questions électorales au second plan.
Mais il y a une résistance importante chez des dirigeants importants de l’organisation. Sont-ils récupérables ?
Il existe une résistance, il serait malhonnête de le nier, mais c’est le fait d’une minorité et elle sera surmontée. Je ne pense pas que ce soit une résistance importante. Premièrement, j’ai le sentiment que les militants savent ce qu’ils veulent. Deuxièmement, il y a la cohérence du projet politique. Et troisièmement, personne n’a voulu se présenter face à moi dans les primaires. J’aurais aimé ce processus de primaire pour confronter des projets, mais personne n’a voulu se présenter contre moi. Nous défendons le projet d’IU, nous sommes les patriotes d’IU et nous voulons nous concentrer sur l’organisation au nom d’un processus de transformation sociale.
Avons-nous besoin de changements dans IU pour surmonter ces résistances et parvenir à un processus de convergence pour les élections générales ?
Il y a quelques mois, nous avons lancé un processus de renouvellement et le signe le plus clair en est ma candidature à la présidence du gouvernement. Une partie du diagnostic était qu’IU a été délaissé dans un moment historique et qu’il fallait corriger cet état de fait. En outre, je suis candidat pour qu’IU puisse répondre à ce moment historique et politique.
A qui envoyez-vous cet appel d’unité populaire et qui devrait être représenté ?
Je fais cette proposition avec humilité et avec la conviction que nous pouvons contribuer au processus, comme nous l’avons démontré dans les villes qui ont connu le succès. Je fais cette proposition à tous ceux qui sont prêts à l’écouter. Je me réfère à des organisations politiques déjà organisées, comme Podemos, Equo et beaucoup d’autres, aux mouvements sociaux, aux associations de quartier et aux syndicats combatifs, en d’autres termes, à tous les sujets impliqués dans un processus de transformation sociale à partir des valeurs et principes de la gauche. Plus les gens y participent, mieux ce sera parce que cela constitue un changement en profondeur. Nous ne mettons pas seulement l’accent sur les députés, nous devons nous intéresser à tout.
Pensez-vous que Podemos franchira le pas vers une candidature d’unité populaire dans laquelle, vous l’avez mentionné précédemment, personne n’est le catalyseur?
Podemos est une organisation qui est née avec un caractère novateur distinctement, ce qui a motivé beaucoup de gens. Ils ont eu un écho exceptionnel en Europe grâce à leur caractère et à leur proposition de dialoguer et de parvenir à un consensus au sein de toute la gauche. Ce que je perçois quand je parle à des cercles Podemos c’est que les gens sont prêts et veulent l’unité.
Podemos obtient en moyenne 14% aux élections régionales. Et avec 14% vous ne pouvez pas transformer la société. IU a toujours été critique et on a toujours dit qu’IU ne peut pas se contenter de 5% ou 10% ou 15%, parce que notre objectif est de représenter la majorité sociale et de transformer la société, donc je pense que nous devrions être plus ambitieux. Nous sommes heureux d’avoir trouvé la clé à Madrid, Barcelone et d’autres villes.
Pablo [Iglesias] est quelqu’un que je ne comprends pas personnellement, mais je reconnais aussi ses compétences politiques. Il est intelligent et brillant. Je pense qu’il saura lire le moment historique. Je l’ai appris de Yolanda Diaz [coordinateur de IU en Galice], qui suit cette ligne. Pablo a beaucoup à voir avec le processus qui a si bien réussi à la gauche alternative galicienne et je pense qu’il va prendre ces décisions dans son organisation et en tant que citoyen concerné ; j’espère qu’il en sera ainsi parce que nous devons éviter la consolidation du néolibéralisme dans ce pays.
Avez-vous eu des contacts avec lui depuis dimanche ?
Non je n’en ai pas eu. Nous nous sommes rencontrés dans le programme de télévision ‘Los desayunos de TVE », mais on n’a pas eu le temps de parler. Bientôt, nous rencontrerons les gens et les organisations pour aider à construire cette unité. Personne ne sera l’organisation de pilotage, il faut seulement des personnes et beaucoup de dialogue. Les processus d’unité populaire que nous avons vu avec Ganemos Madrid, qui est ensuite devenu Ahora Madrid, exige beaucoup de dialogue, parce qu’il y a beaucoup de choses et de différences à affiner. Nous devons nous entendre sur plusieurs points pour un programme minimum.
Avec les élections générales prévues pour novembre, un cycle électoral intense se fermera. La fenêtre d’opportunité pour le changement sera-t-elle fermée ensuite ?
Il y aura un changement. Les économistes qui critiquent le système savent que ce qui est sur la table est le modèle épuisé de la production et de la consommation, le modèle capitaliste, qui est en cours de restructuration. C’est ce que le PP est en train de faire et que le PSOE a commencé. En conséquence, cela a produit des changements brutaux dans la structure sociale, les lois, la Constitution, comme en 2011. Cela suppose également des changements sociaux et environnementaux.
Le problème est celui du résultat de ce changement ; sera-t-il dirigé par la droite ou la gauche ? Le vrai défi est de savoir si le néolibéralisme sera consolidé ou si débutera un processus constitutionnel, économique et politique d’une nature différente. Le grand risque est que cela pourrait consolider un mode de vie d’insécurité permanente, d’ajustement structurel et de contrats pourris. Si les dirigeants du PP et du PSOE qui obéissent à la « troïka » continuent à diriger ce pays, le changement va conduire à un ordre social désastreux.
Original en espagnol : http://www.eldiario.es/politica/Alberto-Garzon-elecciones-reconstrIUr-IU_0_391961830.html