Changer les rapports de forces dans toute l’Europe

La conférence de presse donnée par Alexis Tsipras, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent au Parlement français fut un grand succès avec la présence de journalistes de la TV, des stations de  radio et des médias écrits qui ont posé un certain nombre de questions au sujet des positions de SYRIZA sur la Grèce et l’Europe. Il était évidemment clair qu’il s’est produit en Grèce un événement de dimension européenne en même temps qu’un changement de rapports de forces politiques en Europe, marqué par un rôle actif de la gauche radicale dans certains pays. En Grèce, où l’alliance SYRIZA, en tant que gauche très responsable – et en aucun cas d’extrême gauche – est arrivée en deuxième position, bien avant le PASOK social-démocrate, et gagne encore en sympathie, la rupture avec la chaîne du néo-libéralisme pourrait devenir une chance concrète .

Au Parlement et à l’invitation de Pierre Laurent, président de la Gauche européenne et du PCF, une rencontre a eu lieu entre une délégation de parlementaires du Front de Gauche et  des représentants de mouvements et syndicats (FSU, Solidaires, CGT, Fondation Copernic, Attac, Économistes atterrés, transform! europe). Seuls deux représentants du Parti Socialiste (PS) étaient disponibles pour une réunion informelle avec les parlementaires de SYRIZA. * Le programme s’est achevé, à Paris, par un rassemblement sur la place de l’Assemblée nationale et une soirée avec la gauche grecque.

Il doit être clair – comme le dit Tsipras – qu’il est « impossible d’avoir la pluie et le soleil en même temps », ce qui signifie que les gouvernements et les institutions européennes ont à choisir entre l’austérité et la croissance. Dans toute l’Europe, les salariés, les chômeurs, les précaires et les retraités ont un intérêt commun : s’allier contre « la coalition des forces du capital financier qui régissent le continent ». Tsipras peut donc dire au Bundestag allemand que la vision de SYRIZA correspond aussi aux intérêts des salariés d’Allemagne. Ce n’est donc pas par hasard que les points clés soulignés par la délégation montrent une grande convergence avec les idées de la gauche européenne, des mouvements sociaux et des syndicats.

Après l’élection de Hollande, il s’agira de dépasser toute ambiguïté concernant le traité de stabilité financière et que les Européens lui opposent un « non » clair. La poursuite de la logique actuelle ne peut absolument pas permettre d’atteindre une croissance dans l’intérêt des peuples et allant vers un nouveau modèle de développement – au lieu d’une croissance en faveur de la finance. Pour autant, le traité de stabilité budgétaire destructeur ne peut pas être simplement « amendé », il faut le rejeter.

En Grèce, l’économie et le peuple sont de plus en plus asphyxiés, parce que la politique de super-austérité bloque toute issue. De toute évidence l’oligarchie européenne utilise comme terrain d’expérimentation un pays dont le PNB s’élève à 2% du PIB européen (produit intérieur brut) pour voir jusqu’où on peut aller, en utilisant comme armes des avalanches de données et une campagne de peur permanente. Mais le peuple grec a le pouvoir de dire clairement : « Stop ! Aucun pas de plus dans cette voie ». En Italie et en Espagne, les gouvernements – qui ne sont nullement de gauche, mais qui sont confrontés à des difficultés croissantes – se servent de l’éclatement de l’axe « Merkozy » pour faire part de leurs doutes. L’expulsion de facto d’un pays de l’UE ne supprimerait les causes de la crise, mais il créerait le chaos dans les économies et la monnaie de toute l’Europe, en détériorant encore davantage la situation des populations. Le député Giannis Milios a affirmé que la question n’est pas « l’Euro ou la drachme », mais « De quelle Europe avons-nous besoin et quelle Europe voulons-nous ? »

La bataille concernant la Grèce aujourd’hui cristallise l’affrontement de classes européen, qui fait rage tout à la fois au niveau social, politique et idéologique. Face au bloc organisé de la classe dirigeante en Europe (Giannis Milios), il est à l’ordre du jour d’établir de nouvelles alliances – Un front commun (Pierre Laurent) – en faveur d’une logique alternative, tant au niveau national qu’au niveau européen, des alliances basées sur des convergences réelles entre forces sociales, culturelles et politiques de natures et d’origines différentes. SYRIZA est conscient que la formation d’un « gouvernement » dans les conditions actuelles ne signifie pas prendre le « pouvoir », mais que cela crée de meilleures conditions pour mener la lutte avec toute la population pour gagner du pouvoir, pour la démocratie et la justice sociale. À cet égard, les élections n’étaient qu’un début.

La meilleure garantie pour les Grecs sera que le score de  SYRIZA soit le plus élevé possible, le 17 juin

pour les conditions les plus favorables à la renégociation des accords, et

pour gagner le rapport de forces le plus favorable pour être entendu et respecté en Grèce et en Europe.

Dans l’échange avec la délégation de SYRIZA, il est apparu clairement que plusieurs leviers politiques sont disponibles aujourd’hui. Ceux-ci doivent être utilisés simultanément pour apporter un changement dans les décisions politiques en Europe :

Les élections grecques qui peuvent rompre un chaînon de la chaîne du néo-libéralisme et permettre d’éviter  tout isolement de la Grèce et de la gauche.

Les élections françaises, pour lesquelles il s’agit de faire évoluer le rapport de force en faveur de la Gauche.

La prochaine ratification du traité de stabilité budgétaire : les populations peuvent accroître la pression sur chaque élu afin qu’il vote contre elle et / ou en faveur d’un référendum.

Pour toute l’Europe la question concrète est la suivante: est-il possible d’arriver à une nouvelle qualité du conflit avec l’oligarchie régnante en impliquant une partie toujours plus grande des populations et en mobilisant de nombreux acteurs sociaux et politiques ?

 

* À Berlin, étape suivante de la délégation, une rencontre a eu lieu entre Gabriel Sigmar, président du SPD allemand et Alexis Tsipras.

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