Conférence sur l’avenir de l’Europe – Considérations dans une perspective de gauche

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Perspectives de Gauche pour l’Europe

Depuis de nombreuses années, l’Union Européenne traverse une crise profonde, tant sur le plan économique, social que politique du fait de ses principes, règles, traités et politiques néolibéraux. L’Europe ne se résume pas à l’UE, mais le développement de cette dernière est essentiel pour l’ensemble de l’Europe. Au niveau économique, la crise se traduit par une faible croissance et par des déséquilibres macroéconomiques croissants, renforcés par les politiques néolibérales et le marché unique. Par exemple, l’Allemagne présente d’importants excédents commerciaux dus à de fortes exportations, alors que d’autres pays européens croulent sous des dettes considérables. Ces déséquilibres posent des problèmes considérables pour le développement économique européen. D’un point de vue social, la crise se traduit par un taux de chômage élevé, des salaires bas et une vaste précarisation des conditions de travail et de vie. Les inégalités sociales ont énormément augmenté dans tous les pays de l’UE. La crise de la démocratie s’aggrave. Le Brexit et le taux d’abstention sont les signes les plus évidents de la crise politique. La montée de l’extrême-droite ces dernières années constitue elle aussi un signe alarmant de la crise politique à laquelle nous sommes confrontés en Europe. Ces déboires sont d’une part les conséquences des contradictions d’un développement capitaliste et d’autre part cependant le résultat de la politique d’austérité néolibérale. La pandémie actuelle aggrave cette crise aux conséquences si dramatiques du fait de la politique néolibérale, de ses coupes budgétaires et de sa privatisation des services publics. Les infrastructures sociales et surtout le secteur de la santé sont systématiquement négligés. Par ailleurs, nous faisons face à des défis écologiques comme le changement climatique et la transition numérique qui remettent fondamentalement en question notre manière de produire. Nous sommes confrontés à de profonds bouleversements économiques, sociaux et politiques.

Avec la pandémie, il est devenu évident que le capitalisme et la politique néolibérale prédominante ne sont pas en mesure d’apporter une réponse adaptée à la crise. Si cette politique se poursuit, les tendances à la désintégration déjà présentes s’accentueront, mettant en péril l’avenir de l’Europe. Nous avons besoin d’un changement fondamental au niveau de la politique européenne et d’une nouvelle vision du développement européen.

Notre objectif consiste à instaurer une Europe sociale, écologique, démocratique et pacifique.

Un tel développement européen ne peut pas s’appuyer sur les traités de Maastricht et de Lisbonne car ils imposent à l’Europe une politique néolibérale. Ils doivent évoluer. La Gauche en Europe doit à présent lancer les processus politiques nécessaires afin de réorienter la politique européenne dans la direction que nous souhaitons.

Quelles valeurs défendons-nous et pour lesquelles sommes-nous prêts à nous battre ?

Combattre la pandémie et protéger la population

La pandémie détermine largement nos conditions de travail et de vie. Les effets économiques et sociaux de la crise entraînée par le coronavirus sont dramatiques, touchant en particulier les pauvres et les personnes travaillant et vivant dans des conditions précaires. Le chômage va augmenter considérablement, de même que la pauvreté. Tous les efforts possibles doivent être déployés pour protéger la population. Le PGE soutient fermement l’initiative citoyenne européenne « Right2Cure » qui vise un accès gratuit et universel aux vaccins et défend l’idée de faire du vaccin un bien commun. Les capacités opérationnelles du secteur de la santé doivent être étendues et améliorées. Nous demandons la mise en place d’un pôle européen de santé publique et des médicaments.

Des mesures doivent être prises afin de protéger tous ceux qui sont touchés par la pandémie : travailleurs, petites et moyennes entreprises, indépendants, artistes. Nous avons besoin d’un plan de sauvetage pour les travailleurs et pour leurs familles. En cas de pertes de revenus, une compensation financière est nécessaire. Nous nous opposons à toute tentative de détérioration des conditions de travail, comme la suspension des conventions collectives et la diminution des droits des travailleurs. Nous soutenons les syndicats dans leurs efforts visant à conclure des accords pour garantir l’emploi.

Transformation socio-écologique ou New Deal vert

Mais nous ne sommes pas seulement confrontés à la pandémie. Nous faisons également face à de profonds bouleversements économiques, sociaux et politiques causés notamment par les défis écologiques comme le changement climatique. La manière dont nous produisons est remise en question. Nous devons réduire drastiquement nos émissions de CO2. La production qui fait appel aux énergies fossiles n’a plus d’avenir. Nous avons besoin d’une nouvelle politique industrielle européenne axée sur une industrie verte et garantissant la souveraineté industrielle. Il s’agit notamment d’établir une nouvelle politique énergétique s’appuyant sur les énergies renouvelables et une nouvelle politique de mobilité axée sur les concepts de mobilité collective. La transformation socio-écologique, ou le New Deal vert, constitue un élément clé de la stratégie politique du PGE.

Il est évident que la politique d’austérité néolibérale doit être abandonnée. Une autre politique économique est nécessaire. Les premières mesures en ce sens ont été prises avec la suspension du Pacte de stabilité et de croissance, et avec la création du Fonds de relance « nouvelle génération » qui constitue un changement remarquable de la politique financière européenne. Ces changements s’accompagnent de nouvelles contradictions à repousser afin d’ouvrir la voie à des changements radicaux au niveau des politiques européennes. Le Pacte de stabilité et de croissance ne doit pas seulement être suspendu mais doit être véritablement aboli. Par ailleurs, il faut éviter que le Fonds de relance ne soit lié au semestre européen et que les moyens financiers des différents pays s’accompagnent de conditions restrictives et antidémocratiques. Ces plans ne doivent pas être transformés en de nouveaux protocoles. Des programmes d’investissement public axés sur l’environnement, les services publics et la création d’emplois sont nécessaires. Le contrôle démocratique est crucial pour éviter une modernisation purement capitaliste et à peine verte. Un New Deal vert de Gauche doit être un concept global orienté vers le bien commun. Il faut que des investissements publics soient consentis dans les infrastructures, les services sociaux, comme la santé, des logements abordables, l’éducation et la culture.

Pour la Gauche, il est essentiel de combiner les besoins écologiques et sociaux. Il ne fait aucun doute qu’une révolution industrielle verte, comme la nomme le manifeste travailliste, est nécessaire. Mais il faut également protéger les travailleurs concernés par ces changements. La « transition équitable » promue par la CSI est un concept qui allie la transformation écologique à la protection sociale et vise à garantir qu’une économie verte puisse fournir des emplois décents. Les travailleurs ne doivent pas seulement voir leurs droits renforcés lors de ce processus de transformation : ils doivent aussi y prendre part directement. Leur participation directe est indispensable à un New Deal vert de Gauche. Du point de vue de la Gauche, le lien qui existe entre le New Deal vert et la démocratie économique est donc primordial. Il se distingue ainsi encore davantage des autres concepts.

Un New Deal vert de Gauche doit être considéré comme un concept de transformation global qui allie les exigences écologiques et sociales et garantit la participation directe des travailleurs eux-mêmes. Il rompt avec la politique européenne néolibérale et dépasse également les limites du développement capitaliste.

Droits sociaux

Un New Deal vert de Gauche doit aller de pair avec l’extension des droits des travailleurs. Il peut être lié au pilier des droits sociaux adopté par la Commission Européenne. Il contient 20 principes concernant l’égalité des chances et l’accès au marché du travail, les conditions de travail équitables, et la protection et l’inclusion sociales. Grâce à un plan d’action, ces principes doivent se transformer en actions concrètes au profit des citoyens. Pour autant, le pilier des droits sociaux ne doit pas demeurer une intention non contraignante. Ces droits sociaux doivent plutôt être contraignants et se présenter sous la forme d’un protocole social intégré aux traités de l’UE. Ils doivent inclure l’égalité des droits des femmes au niveau des salaires, des conditions de travail, de l’évolution professionnelle, de la participation sociale à tous les niveaux. Ni les libertés économiques ni les règles de concurrence ne doivent avoir la priorité sur les droits sociaux fondamentaux et, en cas de conflit, les droits sociaux fondamentaux doivent primer. Il s’agit d’une demande claire de la CES et le réseau de syndicalistes TUNE (Trade Unionists Network Europe) a également fait campagne en ce sens.

Le pilier des droits sociaux et le protocole social constituent un point de départ. Toutefois, il est indispensable de lancer des campagnes à l’échelle européenne. Nous devons pouvoir nous appuyer sur des syndicats forts, dotés d’un fort pouvoir de négociation collective. Il s’agit là de la condition fondamentale pour obtenir des conditions de travail décentes et des salaires permettant de vivre correctement. L’égalité des sexes doit être prise en compte. Dans ce contexte, des salaires minimums élevés sont également requis en Europe. La nouvelle directive européenne constitue un pas en avant à ce niveau, mais doit encore être améliorée. Nous nous opposons aux réformes néolibérales du marché du travail qui prévoient davantage de flexibilité, moins de protection contre les licenciements et qui privilégient en particulier les accords d’entreprise au détriment des conventions collectives négociées par les syndicats. Le pouvoir de négociation collective, principale activité syndicale, s’en trouve affaibli. Or, nous devons pouvoir nous appuyer sur des syndicats forts qui collaborent avec les mouvements sociaux, les organisations de femmes, les initiatives citoyennes et les partis de Gauche.

Nous devons agir dès maintenant, sans attendre 2030, et prendre des mesures immédiates et d’urgence afin de protéger les travailleurs : – Interdire les licenciements en temps de crise – Protéger et étendre les conventions collectives – Lutter immédiatement contre la pauvreté – Protéger toutes les phases de la vie (revenu des étudiants, sécurité de l’emploi et formation) – Faire des emplois à durée indéterminée la norme qui prévaut en Europe. Les droits sociaux et les systèmes de sécurité sociale doivent être tirés vers le haut en Europe.

La crise actuelle est très dangereuse pour les droits des femmes qui régressent fortement. Le PGE s’engage en faveur d’une directive cadre visant à mettre en œuvre les clauses les plus favorables pour les femmes et à interdire les inégalités salariales.

Les moyens financiers doivent être utilisés pour répondre aux besoins des personnes :

  • Refinancement de la BCE : réaffecter les fonds de la BCE aux besoins sociaux, placer la BCE sous contrôle démocratique, permettre à la BCE de prêter directement aux États membres ;
  • Renforcer les taxes pour les grandes entreprises ;
  • Prendre des mesures concrètes contre l’évasion fiscale

Défendre la démocratie

La crise sanitaire se transforme actuellement en une crise de la démocratie. La pandémie apparaît de plus en plus comme un banc d’essai pour tester la résilience de l’État de droit et la remise en cause des droits individuels et des libertés démocratiques. Des efforts sont constamment consentis pour confronter l’ordre et la sécurité à la liberté et aux droits. Il est évident que la démocratie est en danger. Pour ce faire, il nous faut impérativement une réponse globale et une confrontation des forces progressistes de Gauche, avec des initiatives et des actions communes.

Paix et désarmement

Le PGE s’engage activement en faveur de la paix et du désarmement. Sans paix, l’humanité n’a aucun avenir. La paix et le désarmement doivent être replacés au centre de l’élaboration des politiques. Les dépenses militaires doivent être considérablement réduites au profit de la santé et de la satisfaction des besoins sociaux. Il est temps de prendre une initiative visant à mettre en place une nouvelle politique de détente.

Nous nous dressons contre la militarisation de l’UE et rejetons la coopération structurée permanente. La solidarité européenne ne s’exprime pas par des moyens militaires mais par le renforcement des structures civiles communes. Nous désapprouvons la politique de l’OTAN et nous nous opposons aux manœuvres de guerre « Defender ». Nous devons poursuivre et intensifier notre résistance face à ces exercices militaires dangereux. L’OTAN n’est pas une organisation qui défend les intérêts des Européens. De par ses opérations agressives, cette organisation est dangereuse. L’OTAN doit être dissoute au profit d’un nouveau système de sécurité collective qui inclura également la Russie.

Un ordre de paix européen sur la base de la sécurité commune constitue l’alternative à la guerre et à la confrontation. Dans ce contexte, le rôle de l’OSCE doit également être renforcé.

Le PGE appelle les États européens à ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, entré en vigueur en janvier 2021.

La lutte pour la paix et celle contre le changement climatique sont interconnectées. Il est indispensable de davantage connecter le mouvement pour la paix, les mouvements pour le climat et l’environnement du type « Fridays for Future », ainsi que le mouvement social.

Face à ceux qui ont proposé un format de Conférence européenne qui limite la participation démocratique au profit des élites et des leaders politiques en quête de promotion personnelle, la Gauche que nous représentons propose au contraire un vaste processus participatif, avec des Parlements nationaux ouverts aux citoyens, auxquels participent tous les types d’organisations sociales, syndicales et politiques.

Ce processus doit permettre de déterminer des points communs afin de discuter de nos idées au Forum européen. Nous invitons tous ceux qui prônent un développement européen alternatif à participer. Nous invitons tout un chacun à rejoindre le Forum européen organisé par les forces de Gauche, progressistes et écologiques qui se tiendra en novembre à Athènes, si tout va bien, ou en ligne.

Ce document a été préparé par le groupe de travail du PGE consacré à la conférence sur l’avenir de l’Europe et a été validé par le secrétariat du PGE.

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