L’OIT a adopté ses « socles de protection sociale », la Banque mondiale a compléter son ancienne proposition par la « résilience » et la Commission européenne est passée de la lutte contre la pauvreté à la « protection sociale » dans ses politiques de coopération.
Bien qu’il faille se réjouir de ces propositions et les encourager, il y a un risque réel qu’elles n’aillent pas au-delà de la réduction de la pauvreté. Elles ont néanmoins un potentiel pour faire plus: elles sont fondées sur les droits, elles impliquent des mécanismes permanents et elles prennent en compte – enfin ! – la dimension du revenu.
Nous pensons toutefois qu’il faut aller plus loin.
D’abord, quels que soient les choix que les sociétés font, nous sommes convaincus que le mur du néo-libéralisme doit être abattu. Tant que cela ne se produira pas, les politiques sociales seront au service de la croissance, l’économie sera seulement axée sur le marché et les Etats devront réprimer les mouvements sociaux alors que la pauvreté et les inégalités augmenteront. Le « vilain petit secret » du capitalisme est qu’il ne fonctionne qu’en faveur pour une petite minorité.
Nous ne proposons pas cependant un modèle de protection sociale. Nous sommes convaincus que cela ne peut être fait que par les peuples eux-mêmes à travers un processus démocratique, en fonction de leurs besoins. Les sociétés peuvent avoir des besoins et des espoirs divergents. Elles devront décider elles-mêmes si et dans quelle mesure elles veulent aller au-delà des propositions actuelles des organisations internationales.
Dans ce livre, nous voulons démontrer deux choses :
Tout d’abord, nous voulons proposer quelques principes de base pour la protection sociale. On oublie souvent que, alors que l’Europe de l’Ouest a été le berceau des États-providence, toutes les nations avaient une protection sociale dans le passé, même si ce n’était que sous une forme embryonnaire. Mais les politiques du « Consensus de Washington » l’ont démantelée, et elles sont en train de le faire dans l’Union européenne. En lieu et place, on introduit des « politiques de réduction de la pauvreté », glissant ainsi des droits économiques et sociaux vers les seuls droits civils (droit à la vie).
Ces principes de base sont l’universalisme, la solidarité organique et la démarchandisation. Ils sont fondés sur les droits de l’hommes individuels, collectifs et solidaires.
Deuxièmement, nous voulons mettre l’accent sur le potentiel de transformation de la protection sociale. Nous entendons par là que lorsque l’on réfléchit à la façon d’organiser une protection sociale complète, il devient rapidement évident que cela va bien au-delà des politiques sociales. Le concept de protection sociale que nous proposons comprend la sécurité sociale, l’assistance sociale, le droit du travail, les services publics et les droits environnementaux. Mais pour y parvenir, l’économie, la démocratie, le système judiciaire, les médias, et ainsi de suite, devront changer. Un système piloté par le marché ne peut avoir d’avenir dans un monde fini et ne peut jamais offrir la sécurité sociale et économique pour les individus et les sociétés.
L’objectif de la protection sociale devra être en tout premier lieu de préserver la société en tant que telle, en second lieu, de promouvoir l’intégration sociale et, enfin, de donner aux gens la sécurité sociale et économique.
Nous voulons aussi intégrer cette protection sociale dans un système global avec deux autres initiatives: l’éradication de la pauvreté et les biens communs de l’humanité.
Nous tenons à souligner que, dans notre vision, la protection sociale n’est pas conçue comme un mécanisme de correction. Il s’agit plutôt d’un mécanisme essentiel pour organiser les États et pour protéger les sociétés, les personnes et la planète. La protection sociale n’est pas la redistribution de l’excédent d’exploitation, il s’agit de la répartition des richesses produites par la société.
Notre monde évolue très rapidement. Même si les États-providence de l’Europe occidentale ont constitué une révolution dans le passé, ils ne peuvent plus répondre aux besoins actuel. Dans les pays du Tiers monde, les gouvernements combinent une sécurité sociale limitée et des politiques de réduction de la pauvreté sur le mode de l’assistance. Le temps est venu de repenser fondamentalement la manière dont les États et les sociétés fonctionnent. Plusieurs solutions ont déjà été proposées. Outre les organisations internationales, nous avons des propositions du « buen vivir » de l’Amérique latine. Les deux peuvent être une source d’inspiration.
Mais encore une fois, ce sont les gouvernements et les sociétés qui auront à se prononcer sur le type de protection sociale qu’ils veulent. Pour faire leur choix, nous leur proposons cette réflexion sur ce qui est possible. Ce sont les mouvements sociaux qui auront à décider jusqu’où ils veulent aller et des luttes sociales qu’ils sont prêts à organiser. Même si les élites internationales décidaient d’introduire la protection sociale partout, elle ne sera pas gratuite. Plus les sociétés voudront aller loin, plus elles auront à s’organiser.
Ce livre se veut une modeste contribution à cette lutte. En expliquant pourquoi nous avons besoin de la protection sociale, ce que cela veut dire et ce que cela peut changer, il donne une idée de ce à quoi un autre monde pourrait ressembler. Il propose un large éventail de choix, tout en laissant les décisions aux peuples.
Ce livre est publié sous forme de livre électronique, car c’est un travail en cours. Les discussions sur le contenu vont commencer lors du Forum Social Mondial à Tunis en mars 2013 et se poursuivront toute l’année 2013. Le texte sera modifié en conséquence. Tous les lecteurs sont invités à envoyer leurs commentaires à info@globalsocialjustice.eu .
Ce projet n’a bénéficié d’aucun financement. Le prix, modeste, du livre est destiné à couvrir une partie de ses coûts. L’auteur serait très heureuse de savoir que les acheteurs gardent cela à l’esprit et ne distribuent pas le livre gratuitement.
Table des matières
Introduction : Protéger les personnes et la planète
Partie I – Les problèmes
Chapitre 1: La pauvreté
Chapitre 2: Les inégalités
Chapitre 3: Le travail
Partie II – Les solutions
Chapitre 4: Le socle de laprotection sociale et post-développementalisme
Chapitre 5: Re-définir la protection sociale
Partie III – Les retombées
Chapitre 6: Le potentiel de transformation de la protection sociale – Le secteur financier – L’économie -Les biens « communs » et les services publics créés par les hommes – Les biens « communs » naturels et l’environnement
Partie IV – La dimension globale
Chapitre 7 : Coopération transnationale
Chapitre 8 : Refonder la protection sociale – L’interdiction de la pauvreté – Le bien commun de l’humanité
Partie V – Annexe: les prochaines étapes
Recherche fondée sur le partage des connaissances et fixant des objectifs