Presque tous les sondages préélectoraux ont vu la montée de l’HDP mais la majorité des gens attendaient un résultat un peu au-dessus du seuil. Au lieu de cela, avec son large éventail de candidats, le HDP a réussi à augmenter ses voix dans tout le pays, à obtenir 13,1% des voix et à franchir facilement le seuil.
Pendant la campagne électorale, les bureaux de HDP, des réunions et d’autres initiatives ont été attaqués plus d’une centaine de fois. Deux de ses bureaux et une de ses réunions ont été bombardés. Trois personnes sont mortes, des dizaines ont été blessées. Des dizaines de ses observateurs électoraux ont été placés en détention seulement deux jours avant l’élection.
Mais les résultats des élections montrent un important réalignement électoral depuis parti gouvernemental de la Justice et le Parti de développement (AKP) vers le HDP et le Parti du mouvement nationaliste d’extrême droite (MHP), ainsi que en partie depuis le Parti républicain du peuple ( CHP) social démocrate vers le HDP. Si on compare les résultats de cette élection avec les précédentes élections législatives de 2011, l’AKP est passé de 49,5% (327 sièges) à 40,9% (258 sièges), le CHP est passé de 25,9% (135 sièges ) à 25% (132 sièges), le MHP a est passé de 13,0% (53 sièges) à 16,3% (80 sièges) et le HDP de 6,5% (35 sièges) à 13,1% (80 sièges).
L’AKP a réussi à remporter la première place dans 57 provinces. Le CHP l’a emporté dans 10 provinces, le MHP a remporté une province, et le HDP a gagné 14 provinces. L’inadéquation entre les pourcentages de vote et l’alignement en provinces des partis résulte de la concentration des votes. Le HDP a remporté la première place dans presque toutes les villes kurdes avec des marges importantes. Parallèlement, il a remporté des sièges à Istanbul (la plus grande ville), Ankara (la capitale), Izmir (la troisième plus grande ville), Bursa et Kocaeli (villes industrielles) et à Mersin, Adana et Antalya, dans le sud du pays.
Avec ces résultats, pour la première fois depuis 2002, l’AKP n’a pas réussi à obtenir les 276 sièges nécessaires pour former un gouvernement à lui seul. En outre, ils sont en-dessous du nombre de sièges nécessaire pour changer la constitution (367) ou d’organiser un référendum (330 ) sur la réalisation de la volonté de Recep Tayyip Erdogan de transformer le régime du pays en système présidentiel et de devenir le président lui-même. De plus en raison de la règle de l’AKP du troisième mandat pour être un député et de la progression du MHP et du HDP, beaucoup de membres importants de l’AKP ont perdu leur impunité parlementaire et seront poursuivis en justice pour corruption.
Aujourd’hui, le pays est confronté au problème de ne pas savoir quels partis sont en mesure de former une coalition. Le haut niveau de polarisation politique et sociale au sein de la société a donné lieu à un sentiment proche de la haine contre l’AKP et son chef, Recep Tayyip Erdogan. Tous les partis ont fait promesses électorales pour saper le pouvoir de l’AKP. Le MHP, et encore moins que d’être dans une coalition, accepte difficilement d’être au parlement avec le HDP, et le CHP + HDP n’ont pas suffisamment de sièges pour former un gouvernement. Un gouvernement minoritaire n’est pas une pratique courante pour la Turquie.
Peu importe ce qui va se passer, les gens souriaient le matin du 8 juin. L’AKP a perdu près de 10% de ses voix et le HDP a franchi le seuil des 10%. Le Président Recep Tayyip Erdohan, présent sur les chaînes de télévision presque tous les jours, n’est pas venu faire un discours de victoire et n’est encore apparu nulle part. Le nouveau gouvernement doit être formé dans les 45 jours. Sinon, le Président doit appeler à des élections anticipées. Cela signifie que les prochaines semaines vont être très critiques pour l’avenir du pays.