Trois mois avant le premier tour de scrutin, les questions économiques et sociales sont au cœur du débat et se cristallisant dans la confrontation autour de la dette publique. La souveraineté populaire, la nature des pouvoirs, la place du politique, le devenir de la démocratie sont également devenus des enjeux concrets. Outre Nicolas Sarkozy, pas encore officiellement candidat mais qui, sous couvert de son actuel mandat présidentiel, multiplie les interventions de candidat, nous sommes déjà face à 14 autres candidats. Six seulement peuvent espérer un score significatif. Les autres sont là pour avoir accès aux médias ou obtenir un financement de leur parti.
Les deux candidats actuellement en tête des sondages ne soulèvent guère d’enthousiasme et d’illusion. Nicolas Sarkozy apparaît clairement comme celui qui a accru l’injustice sociale, le chômage, attaqué la protection sociale, dévalorisé le travail… La perte du AAA qu’il s’était engagé à préserver lui rend difficile de jouer le rôle du président-protecteur. François Hollande, candidat du parti socialiste et nettement vainqueur au 2ème tour selon les sondages, joue sur le rejet du sarkozysme mais ne réussit pas à incarner un projet alternatif et une voie réellement différente. Pour lui, il faut s’adapter à une situation économique difficile et reconquérir la confiance des marchés financiers. Du coup, ses rares propositions de gauche apparaissent peu crédibles : comment, par exemple, défendre les services publics sans s’attaquer aux marchés ?
Marine Le Pen, candidate du Front National, d’extrême droite, construit son offensive à partir du désarroi et des divisions sociales que font grandir la crise et les politiques de régression sociale et avoisine les 20% dans les sondages. Quatrième candidat (13% dans les sondages), un candidat du centre droite, Bayrou dont les propositions, bien à droite, prônent également l’austérité budgétaire. Il est fort courtisé pour le deuxième tour par la droite et le parti socialiste. En cinquième position, le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, présenté par sept organisations dont le Parti communiste et le Parti de gauche. Il est soutenu par un nombre croissant de syndicalistes, militants associatifs, citoyens. Il se situe à présent autour de 8% [1] dans les sondages. Un nombre croissant de citoyens qui avaient délaissé la politique s’implique dans la campagne. Le premier meeting a rassemblé, dès le 13 janvier, 6 000 personnes à Nantes, une ville de province. L’audace avec laquelle le candidat du Front de Gauche s’oppose frontalement à la domination des marchés financiers, appelle à « rendre les coups au système capitaliste » et propose une politique en rupture avec la logique actuelle fait mouche et tranche clairement dans le paysage consensuel ambiant. Lors d’une récente émission regardée par 3,2 millions de téléspectateurs, les commentateurs ont souligné qu’il était l’un des rares à formuler vraiment des propositions. Le programme « L’humain d’abord », avec 300 000 exemplaires vendus, est devenu un bestseller. Ne pas capituler face aux diktats des marchés financiers, le pouvoir au peuple, le développement humain, la relance du pouvoir d’achat et de l’emploi stable pour sortir de la crise, la baisse des loyers, la justice fiscale, la planification écologique, la refondation de l’UE…. tels sont les messages lancés par le Front de Gauche. Le discours est anticapitaliste sans se limiter à la protestation, il exprime clairement l’ambition de changer les pouvoirs, d’obtenir une majorité et de devenir première force à gauche. Il rencontre un écho grandissant dans l’opinion et se distingue de l’extrême gauche dont les deux candidats[2] sont cette fois-ci inexistants alors qu’Eva Joly, candidate d’Europe Écologie Les Verts, tient un discours peu audible et plafonne à 3% dans les sondages.
Le Front de Gauche s’adresse aux catégories populaires, délaissées par le PS. L’objectif est également de réduire la dynamique de Marine Le Pen qu’il attaque sur le fond en tant que « chien de garde du système » et « bras droit du capital ». On peut affirmer que le Front de Gauche a remporté un premier défi, mettre dans le débat des présidentielles la question d’une véritable rupture avec les politiques actuelles. Il s’agit maintenant d’élargir, notamment, la dynamique populaire. Les candidat-es du Front de Gauche aux élections législatives (juin) seront dans chaque circonscription des relais de cette campagne dans laquelle se retrouvent de nombreux acteurs qui avaient en 2005 mené ensemble la campagne du référendum européen.
[1] En 2007, Marie-George Buffet, candidate du Parti communiste, avait obtenu 1,93%.
[2] En 2007, Olivier Besancenot, candidat de la LCR recueillait 4,25% des voix. Son successeur est aujourd’hui entre 0% et 1% dans les sondages.