J’ai assisté à la conférence nationale de Non Una Di Meno (NUDM) car, trois ans après son lancement et suite à la grande manifestation transféministe de Vérone, j’étais curieuse de connaître les prochaines étapes du mouvement.
La conférence s’est tenue cet été à Turin, réunissant plus de 500 personnes, majoritairement des jeunes femmes. Comme à l’accoutumée, la conférence était structurée en sessions de groupe et en plénières, et l’accent était mis cette fois-ci sur trois aspects : les grèves féministes, les modes de communication de NUDM et ses relations aux autres mouvements, enfin sa dimension transnationale.
L’importance de la grève féministe internationale a beaucoup été soulignée en tant qu’elle est un outil pour rendre la grève de nouveau pertinente et relier des subjectivités différentes dans le but de surmonter leur fragmentation. La grève est à la fois sociale, politique et de combat : en prenant l’intersectionnalité comme une clé pour comprendre la réalité et ainsi identifier les contradictions de genre, de classe et d’origine, elle entend condamner la nature systémique de la violence masculine contre les femmes, mais également l’imbrication cachée extrêmement puissante entre travail productif et travail reproductif (domestique et social, essentiellement effectué par les femmes), et enfin la précarité comme dimension non seulement de l’emploi mais aussi de la vie. Une prochaine grève féministe internationale porteuse de ces enjeux aura lieu le 8 mars de l’année prochaine.
Nous traversons une période historique caractérisée par la montée de la droite sexiste, xénophobe et raciste, et par l’installation durable de politiques régressives visant à effacer ce qui reste à la fois de nos droits sociaux et civils et des systèmes de protection sociale. Dans le climat actuel, le mouvement veut être sur le terrain pour contrer l’ampleur et l’impact de ces tendances de fond. Le Plan féministe de lutte contre la violence masculine envers les femmes et la violence de genre (Piano femminista contro la violenza maschile sulle donne et la violenza di genere) permet de s’appuyer sur une proposition alternative à partir de laquelle construire l’action et les luttes politiques.
L’action et la lutte doivent avoir lieu aux niveaux local et mondial. Elles nécessitent d’imaginer une approche transnationale pour nouer des relations avec d’autres subjectivités en dehors de l’Italie. Tout dans le cadre de cette approche reste à définir, – qu’il s’agisse des méthodes applicables, de la définition du terme « transnational » ou des différences entre une perspective « transnationale » et une perspective « internationale ».
La conférence de Turin a également vu le NUDM défendre avec vigueur son « autonomie ». Le sens de ce terme, ou plutôt, celui qu’il est prévu de lui conférer, appelle en moi un questionnement. Si « autonomie » signifie réaffirmer la volonté de rester un mouvement radical concentré sur ses objectifs, en rejetant toute tentative d’exploitation ou de manipulation, je suis entièrement d’accord. Cependant, je suis fermement opposée à l’utilisation de l’autonomie comme prétexte à réfuter toute possibilité de nouer des relations ou des liens politiques avec des syndicats ou des partis, lesquels sont parfois considérés comme le « mal » en soi. L’inadéquation – c’est un euphémisme – des partis politiques et des syndicats, en particulier à gauche, est flagrante, mais elle ne doit pas devenir un motif pour écarter toute perspective de travail en commun. La pratique des grèves internationales, dans l’optique de développer et conforter les avancées, doit s’appuyer sur une relation, y compris conflictuelle, avec autant d’organisations syndicales que possible. Il en va de même si nous voulons obtenir des résultats tangibles et aboutir à une législation sur les questions relatives à la violence et aux conditions de vie précaires telles qu’énoncées dans le Piano femminista : violence masculine systémique dans la société, traitement injuste des victimes de violence par le système judiciaire, récits toxiques autour du féminicide, rôle du travail reproductif, imbrication des oppressions de sexe et de race, attaques contre les lieux de rassemblement et d’auto-organisation des femmes. Pour tout cela, nous avons besoin d’un soutien institutionnel – conseils municipaux et régionaux, parlements, etc. – et donc de partis politiques. Je crois que la force que le mouvement féministe NUDM a démontrée, et continue de montrer, en fait un acteur clé car elle lui octroie la capacité de nouer des relations avec d’autres groupes et d’organiser des actions et luttes communes. Je souhaite que la discussion de ces sujets au sein du mouvement continue d’être aussi fructueuse qu’elle l’a été jusqu’à présent.
La conférence de Turin a ainsi souligné l’énergie, la vitalité et la détermination du mouvement féministe NUDM. Celui-ci cherche, sous une forme collective, à endiguer la vague réactionnaire et conservatrice qui, dans le monde entier, remet en question les victoires acquises par les femmes, – et pas seulement elles. Le mouvement vise à être « le roc sur lequel se brisent les courants régressifs menaçant de déferler sur la société ». On lui souhaite une vie longue !
par Nicoletta Pirotta
(version originale intégrale en italien sur transform! italia)