Le 12 septembre, Juncker, le président de la Commission Européenne (COM) et membre de la famille politique des chrétiens démocrates a tenu son discours sur « l’état de l’Union ». Même si le discours en soi ne semble pas fascinant, il est très important car il propose à la COM une direction stratégique à prendre pour la continuation de son travail.
Que pense donc Juncker? Il a de bonnes nouvelles pour nous ! Sa lettre au Parlement et au Conseil dit : « Grâce à nos efforts conjoints des récentes années, nous avons réussi à mettre la crise financière et économique derrière nous ».
La mauvaise nouvelle, c’est que ce ne sont pas que Juncker et ses sbires qui le pensent.
Tout son discours été totalement dominé par les sujets de l’asile et de la migration à tel point que le seul sujet annexe traité fut la politique internationale. Rien n’a été dit sur les politiques sociales pertinentes nécessaires, le chômage, la désindustrialisation, pas même sur la crise de l’euro (ah oui j’oubliais, elle est derrière nous). Les questions environnementales ont été évoquées, en passant. La politique étrangère a été présentée comme un nouveau cap pour la COM. De nouveaux accords commerciaux seront une super nouvelle pour l’Union, un nouveau pacte avec l’Afrique sur l’investissement et l’emploi. La défense, la défense et encore la défense a été évoquée.
Dans une réunion interne des directeurs des différentes branches de la COM, Juncker a exprimé sa surprise qu’aucun média n’ait compris que le mot le plus important de son discours était « Afrique ». On pourrait suggérer « fuis ! oh Afrique, fuis ! ».
Supportant cette vision du PPE, Merkel a déclaré le même jour à Berlin « une solution européenne commune à la question de l’immigration était cruciale pour le futur de l’Union Européenne… Ce défi est même plus important que la crise économique et financière d’il y a 10 ans ».
Donc, militarisation et Europe forteresse et la prochaine étape, l’attaque des économies africaines, voilà les grands sujets du moment. Une Europe souveraine est si important pour Juncker qu’il veut mettre en place un système décisionnaire à la règle majoritaire en ce qui concerne la politique étrangère. Cette obsession d’une UE actrice mondiale est si profonde que les propositions de réformes économiques et monétaires sont liées à l’intervention de l’UE sur la scène mondiale : « Nous devons d’abord remettre de l’ordre dans notre propre maison en renforçant notre union économique et monétaire, comme nous avons déjà commencé à le faire. Sans cela, nous manquerons de moyens pour renforcer le rôle international de l’euro. »
Mais nous pouvons penser qu’il n’y aura jamais de régime majoritaire en terme de politique étrangère puisque que initiative sera proposée via la clause passerelle du traité de Lisbonne. Cette clause précisant que les Etats membres doivent unanimement décider d’utiliser la règle majoritaire pour réguler une branche particulière de la politique de l’Union, dans le cas présent, les affaires étrangères. Ceci n’arrivera pas du fait des divergences d’intérêts des politiques étrangères des pays de l’UE, en un mot clef : Russie. Juncker offre quelque chose d’impossible pour tous les cosmopolites Macron et Verhofstadt de l’UE mais invite les nativistes Orban et Salvini à appliquer leur programme mais au niveau européen, une sorte de coalition de l’ombre en soi.
L’attention soudaine désormais portée à la politique internationale va très bien avec le changement de volonté de Merkel de renoncer au contrôle de la BCE (rappelez-vous tout est sous contrôle) pour mieux s’emparer de la présidence de la COM, soit le pilier des relations internationales et des politiques commerciales de l’UE.
Ici vous pouvez télécharger le discours.