D’un côté, on peut dire que, en ce qui concerne ses paramètres qualitatifs, la situation hongroise est assez semblable à celle des autres pays post-communistes. La différence pourrait résider dans la plus grande importance accordée à l’aspect national et aux moyens de résoudre les problèmes et les tensions sociales avec la primauté des instruments de pouvoir. C’est un pays plus eurosceptique et résistant aux diktats de l’«Euro-puissant", mais il est aussi fortement anti-communiste et anti-socialiste. Des souvenirs historiques et certaines traditions se font également sentir ici. La tendance s’oriente vers une société plus autoritaire qui fonctionne au profit d’une fraction seulement de la population, (quoique) relativement large. Cette fraction a donné le régime au pouvoir avec un soutien à une majorité stable, à long terme (qui assure encore au FIDESZ une victoire électorale qui approche les 50%, le double du niveau de soutien actuel aux socialistes et environ six fois plus que le soutien à la JOBIK parti populiste-fasciste).
Tous les partis que j’ai rencontrés ont critiqué le gouvernement Fidesz et ont donné des exemples pour illustrer la détérioration de la situation. Mais les forces d’opposition sont politiquement diverses et la question est de savoir si ce qui les unit dépasse le dégoût anti-gouvernement.
Les résultats concrets de la visite du village de Vinár en Hongrie occidentale montrent une situation typique. Dans ce village de 243 habitants (y compris les deux familles roms) au un budget annuel de 26 millions de forints et offrant des possibilités d’emploi dans l’agriculture seulement (bovins, production de lait), il y a seulement cinq chômeurs officiellement enregistrés et 14 personnes recevant l’aide sociale. Une grande partie des personnes employées travaillent pour des salaires très bas qui ne couvrent pas le coût de la vie. Le village lui-même n’est pas en mesure d’investir dans le développement ou même d’investir dans la reproduction simple. Économiquement, il vit sur le passé (y compris le passé communiste) et s’appauvrit progressivement. Ce sont surtout les jeunes qui partent pour trouver du travail ailleurs (ce qui inclut aller à l’étranger). Le taux de criminalité est faible. En ce qui concerne la situation immédiate, elle n’est pas trop problématique. Mais à long terme, si aucune modification n’est apportée au système actuel, de gros problèmes vont se poser.
On peut trouver d’autres endroits en Europe (principalement en Europe centrale et orientale), qui sont assez semblables en termes de niveau de pauvreté, avec bien sûr des spécificités nationales et une augmentation des tensions dans la société.
Outre la "carte nationale", la réalité hongroise diffère de la situation tchèque en termes de dureté des instruments utilisés par le pouvoir et de manière dont sont traités ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas « s’aligner ». Les principes démocratiques et des méthodes de gouvernement tombent par dessus bord. En République tchèque, cependant, l’usage du « gant de velours » est plus habituel.
Dans le milieu hongrois, a été mis en œuvre le concept d’exclusion de certains éléments de la population en fonction de leur statut social ou ethnique. (Il faut souligner que cela a été fait avec le consentement d’une partie considérable de citoyens.), À sa manière, l’Etat continue à « punir » l’échec et il restreint leurs droits humains. Néanmoins, il met également en œuvre un certain type de politique « sociale » pour le bénéfice d’une partie de la population. Il se présente comme le protecteur des intérêts nationaux hongrois face aux forces « malveillantes » de la mondialisation. En Hongrie, comme dans la République tchèque, la corruption existe, tout comme les transferts de fonds vers les entreprises et les institutions liées à l’élite au pouvoir, le clientélisme, etc. L’aide sociale à la classe subalterne est plus une question de charité (organisations non-étatiques, de l’Église et civiques). Bien sûr, d’un point de vue de la gauche, ce n’est pas une solution stratégique. On peut le montrer par quelques exemples chocs de pauvreté, qu’on peut voir aussi dans de nombreux autres pays de l’UE. À l’heure actuelle, on constate un endoctrinement accru dans les établissements d’enseignement ainsi qu’un renforcement des tendances cléricales. La situation hongroise montre que les citoyens (dans les pays post-communistes) sont pour la plupart prêts à laisser de côté leurs revendications pour la démocratie en échange d’une plus grande sécurité sociale (ou au moins la promesse) ; et ils sacrifient certains groupes de la population ainsi que leurs droits et leurs conditions sociales et de vie afin d’atteindre cet objectif.
Tout cela témoigne de la nécessité d’une recherche plus active pour trouver des moyens de sortir de la crise socio-politique dans les sociétés post-communistes. Il est significatif qu’il n’a été fait mention d’aucune des initiatives actuelles que s’efforce de prendre la Gauche unitaire européenne (p. ex l’Alter-Sommet). Cette connaissance doit donner l’impulsion nécessaire pour examiner plus avant l’orientation des activités politiques, à la fois dans le cadre du Parti de la gauche européenne et de transform! ainsi que dans d’autres entités européennes de gauche.