Le résultat des récentes élections slovènes ont montré une fragmentation du paysage politique, une inquiétante poussée du populisme de droite et heureusement un gain électoral du parti de gauche Levica qui a renforcé sa position et à améliorer ses marges de manœuvre.
Le 3 juin la Slovénie est allée élire son nouveau parlement. La vote a eu lieu un mois en avance par rapport à la date prévue, près de trois mois après que le gouvernement emmené par le SMC a démissionné, une manœuvre tactique qu’il a engagé à la suite de l’effondrement de son soutien par la population. La supposée coalition de gouvernement de gauche libérale, composée par le SMC (parti centriste emmené par Miro Cerar), les Sociaux-Démocrates et le DeSUS (Parti Démocratique des Retraités Slovènes, un parti uniquement positionné sur la question des retraites), avait dirigé le pays pendant une période de relative stabilité et de forte croissance économique. Cependant, même si la vue générale de la situation économique de mon pays est vue principalement positivement à l’international, elle ne s’est pas traduite par de meilleurs salaires ou des formes plus protégées de l’emploi. De nombreux pans des services publics souffrent encore des mesures d’austérité imposées par le gouvernement SDS de 2012. Le gouvernement Cerar n’a rien fait pour inverser la tendance, préférant concentrer ses efforts sur la consolidation fiscale. C’est également le gouvernement qui a installé à la frontière slovéno-croate des barbelés.
La démission du gouvernement Cerar est arrivée dans une période difficile de négociations ayant échouées avec les syndicats du pays et des problèmes quant à la potentielle vente de la NLB, une des plus grandes banques publiques, ou bien encore la construction d’un nouveau chemin de fer pour le port de Koper. Ces deux sujets sont aujourd’hui au cœur des débats politiques du pays.
La droite
Le SDS (Parti Démocratique Slovène) de Janez Janša est arrivé en tête avec presque 25% des suffrages et 25 député.e.s. Le SDS qui avait été le principal parti d’opposition au gouvernement précédent était auparavant un parti classique de centre-droit, pro-UE, jusqu’à ce qu’il développe son revirement à la Fidesz, choisissant d’adopter une rhétorique plus aiguisée sur ce qu’il prétend être les dangers intérieurs et extérieurs, soit d’une part le « deep state » (état profond) communiste dans le système judiciaire et d’autre part l’invasion islamiste de l’Europe. Orbán lui-même a assisté au congrès du parti, les soutenant ouvertement. Tout le monde a pu observer comment les médias qu’il contrôle, en soutien à ses nouveaux amis, ont adopté une série de tactiques incluant le recours à la peur et à des reportages quotidiens sur les vagues de réfugié.e.s s’amassant à la frontière Slovène, une semaine avant l’élections.
Il semble que cette même rhétorique s’est dans une certaine mesure retournée contre eux en permettant au SNS(Parti National de Slovènie) de Zmago Jelinčič, une relique nationale-chauvine et populiste des années 1990 de revenir au parlement (4,17% et 4 député.e.s), à la grande surprise de tous. Il a sans doute ainsi attiré une partie de l’électorat qui aurait profité au SDS. Son parti renforce les éléments xénophobes au parlement, ce qui n’est pas réjouissant. Même si l’on peut douter qu’il ait désormais des ambitions politiques plus larges, le parti semble être un moyen pour Zmago Jelinčič de pouvoir s’approprier des financements publics étant donné qu’il a passé accidentellement le seuil des 4%.
Le parti le plus explicitement néolibéral, le NSi (Nouvelle Slovénie – Chrétiens Démocrates) a obtenu 7,16% des suffrages et 7 élu.e.s. Le nombre d’élu.e.s de ces trois partis qui normalement participeraient dans une coalition menée par le SDS n’est pas assez conséquent pour former une coalition (36 sur 46 pour une majorité parlementaire avec un parlement de 90 personnes).
Le bloc de centre-gauche
Le second parti aux élections est le LMŠ (liste de Marjan Šarec), un parti attrape-tout qui est difficile à situer sur le spectre politique. Vu comme un candidat anti Janša, Šarec a réussi à convaincre 12,60% des votants (13 député.e.s) avec une rhétorique du « ni de droite, ni de gauche » similaire à celle utilisée par le SMC pendant les élections précédentes. Un choix rhétorique qui s’est avéré moins efficace étant donné le large nombre de partis du centre et centre-gauche qui ont réussi à faire leur entrée au parlement (SD et 9,93%, SMC avec 9,75%, le SAB avec 5,11% et le DeSUS avec 4,93%). Dans le scénario le plus probable, celui dans lequel le SDS n’arrive pas à former une coalition gouvernementale, Šarec tentera lui d’en former une. Une coalition SMC+SD+SAB+DeSUS aurait tout de même besoin d’un autre partenaire pour former une majorité parlementaire. Etant donné que l’idée de se joindre au SDS est rejetée publiquement par la plupart de ces partis, il reste trois options pour éviter une autre élection. NSi, SNS ou Levica.
La gauche
La nouvelle la plus positive de cette élection est le succès du parti Levica qui a progressé de 5,97% à 9,33% des suffrages passant de 6 à 9 élu.e.s.
Le parti socialiste démocratique, qui avait réussi à faire passer certaines réformes depuis l’opposition (comme le financement de repas scolaires pour les enfants les plus défavorisés) sera probablement en position de faiseur de roi pour former le prochain gouvernement. Si on programme est le plus éloigné de ceux des autres partis du parlement, il pourrait demander le contrôle de certains ministères en lien avec les thématiques qu’il avait mises en avant pendant sa campagne électorale : plus d’investissement dans l’enseignement supérieur, l’augmentation du salaire minimum à 700€, salaire minimum obligatoire pour les employé.e.s publics du groupe « J-wage », augmentation des prestations sociales de santé minimales. Le parti s’est prononcé en faveur d’une réorientation budgétaire de l’armée vers d’autres services de l’Etat là où la plupart des autres membres du potentiel centre-gauche semblent être inflexibles. Un dialogue restera ouvert tant qu’une coalition gouvernementale ne peut trouver une majorité autrement.
Cela donne à Levica un pouvoir sans précédent sur la politique slovène mais en même temps une responsabilité sans précédent. Ce ne sera pas une tâche simple de négocier avec les intérêts des courants politiques mainstream. La situation porte en elle autant danger qu’espoir.